Le rapport, intitulé «Vaud 2035», n’a pas vocation à prédire l’avenir ni à établir des priorités politiques, mais a pour but d’alimenter la réflexion des autorités cantonales. Il décrit des «possibles», construits sur la base d’un vaste matériel synthétisant l’état de la situation dans l’ensemble des secteurs où le Canton dispose d’une marge d’action. L’un d’entre eux imagine un canton visant le tout numérique et la manière de tirer parti du Big data, autrement dit que faire avec cette masse de données, sans cesse en expansion.
Dans ce scénario, le progrès technologique est fondamentalement porteur de bienfaits pour la société. Chaque jour apporte sa moisson d’inventions. Le canton doit assimiler les mutations profondes des modes de vie et des règles économiques qui en résulteront. Nourrie par une masse de données en croissance exponentielle, la société du Big data personnalise l’offre de biens et de services, mais la numérisation contribue à l’émancipation de l’individu. La présence du numérique, en s’étendant, oblige le cadre institutionnel à s’adapter en permanence.
L’individu roi
Bien que réel, le vieillissement de la population ne constitue pas un problème en soi, de même que l’augmentation de la population. L’immigration est même encouragée s’il s’agit d’une main-d’œuvre qualifiée. La formation est organisée dans le but d’atteindre un niveau de compétences le plus élevé possible, avec un accent sur les nouvelles technologies qui, de leur côté, offriront une gamme de prestations utiles à la prise en charge des plus âgés.
L’individu, fier de son autonomie, se voit propulsé au centre du dispositif social: ses aspirations à l’épanouissement personnel sont vues d’un bon œil et les risques d’atomisation du corps social, s’ils ne sont pas niés, ne sont pas jugés périlleux. De nouvelles formes de communauté se créeront à travers l’univers numérique, mieux à même de répondre aux besoins de chacun.
La liberté et la flexibilisation contre l’État
Dans cette logique, la place de l’État est réduite à la portion congrue et le principe de la responsabilité individuelle prédomine, notamment dans le domaine de la santé où l’emploi des technologies numériques qui permettront une prise en main individualisée du bien-être de chacun bouleversera de toute façon la donne.
Le numérique et les plateformes qu’il sous-tend permettent la montée en puissance de nouveaux modes de travail, dans une grande liberté d’organisation: co-working, contrats à durée déterminée, travail à distance, etc. La croissance épousera des formes nouvelles, conformes à l’évolution des technologies. L’État doit ainsi se limiter à garantir des conditions-cadres acceptables et à faire en sorte que la législation favorise toutes les initiatives tendant vers une flexibilisation des modèles sociaux ou étatiques en vigueur. La libre concurrence est largement saluée, même dans le domaine agricole. Dans un monde où l’individu est sublimé, le sport est perçu comme une activité individuelle; les fédérations sont toutefois accueillies avec intérêt comme contribution à l’innovation technologique et débouché économique.
L’idée que tout peut être réformé et corrigé sous la conduite de l’«informatique ambiante» avance à grande vitesse. Le respect de la sphère privée pourrait cependant devenir un problème lancinant dans un monde chantant les vertus infinies du numérique, même si l’omnipotence des géants technologiques principalement américains n’est pas ressentie comme une menace concrète, mais plutôt comme une source d’idées nouvelles.