Economie durable
SPECIAL CLEANTECH

Hydrogène: bolides et camions dans la course

Des ingénieurs vaudois démontrent le potentiel de l’hydrogène en s’investissant dans la compétition automobile.
ARC Jean-Bernard Sieber

À gauche, François Weber et Frédéric Veloso, près du bolide à hydrogène LMPH2G.

ARC Jean-Bernard Sieber

Un bolide de plus de 600 chevaux sous le capot, capable d’atteindre une vitesse supérieure à 300 km/h, qui passe de 0 à 100 km/h en 3,4 secondes… 
Ce bolide ne semble clairement pas avoir sa place dans un dossier consacré aux cleantech! Et pourtant. La LMPH2G a un signe distinctif : elle ne rejette dans l’atmosphère que de la vapeur d’eau!

À l’origine de cette voiture de course, la société GreenGT, un laboratoire d’ingénierie spécialisé dans la recherche et le développement de solutions de propulsion électrique-hydrogène de forte puissance. Son fondateur et directeur général Jean-François Weber raconte: «Il y a douze ans, quand nous avons voulu développer la première pile à combustible pour un véhicule de course, on nous prenait pour des fous. Aujourd’hui, nos bolides ne sont pas encore en pole position, comparés à ceux qui tournent à l’essence, mais on s’en rapproche toujours plus chaque année et on devrait y être dans deux ou trois ans.» 
L’objectif de la société vaudoise est de préparer avec l’ACO, l’organisateur des 24 Heures du Mans, la «Mission H24», une catégorie 100% hydrogène et zéro émission carbone dans le cadre des épreuves de 2024. L’ingénieur vaudois Jean-François Weber rappelle que les 24 Heures du Mans ont été créées en 1923 avec comme objectif de permettre aux constructeurs de venir tester de nouvelles technologies: «Mais pas n’importe lesquelles, celles que l’on peut adapter à nos voitures privées. Les freins à disque et les essuie-glaces, par exemple, ont été testés lors de cette épreuve mythique. Le moteur diesel et la voiture hybride sont aussi passés par Le Mans. Maintenant, il s’agit de mettre la vitesse supérieure avec la pile à combustible.»

En s’attaquant il y a onze ans à l’univers des courses automobiles, les responsables de GreenGT avaient également une autre cible en tête. «La visibilité que nous offre le mode de la course nous a permis de démontrer que nous pouvions produire des groupes motopropulseurs de forte puissance en Suisse et surtout décliner cette technologie dans des applications 
industrielles.» 

Le poids lourd de GreenGT
Associé à la Migros, aux Services industriels genevois et au groupe LARAG, spécialisé dans les poids lourds, GreenGT travaille d’arrache-pied pour permettre la mise en circulation d’une première mondiale : un camion frigorifique de livraison de 40 tonnes. Migros assurera l’exploitation commerciale du camion début 2021 tandis que la SIG produira et fournira l’hydrogène vert qui servira à l’alimenter; GreenGT s’occupe de la conception et de la fourniture de la chaîne de propulsion tandis que LARAG se charge de l’intégrer au sein du prototype. «Le but est de démontrer la pertinence économique et technique d’un camion à hydrogène, s’enthousiasme Frédéric Veloso, directeur Stratégie et Développement commercial de GreenGT. Cette première livraison va mener à des déploiements de flottes de camions beaucoup plus ambitieux dès 2022.» 

Le pied sur l’accélérateur
L’entreprise vaudoise est confiante dans l’avenir. Ses douze ans d’expérience dans l’hydrogène lui ont permis d’acquérir une solide maîtrise de chaque maillon de la chaîne H2: sa production, son stockage, ses modes de distribution, sa forme liquide ou gazeuse et son exploitation, qu’elle soit mobile ou stationnaire. Avec toujours le même souci du local et de polluer le moins possible: «Nous assemblons nos propres piles chez nous, pas besoin d’aller chercher ailleurs ce dont nous avons besoin. Nous faisons en sorte de trouver tous les matériaux en Europe », précise Jean-François Weber. 
GreenGT enregistre depuis une année une forte augmentation de ses activités. La société vaudoise a implanté une antenne à l’EPFL Innovation Park pour ses activités de recherche et va déménager son ingénierie et sa production dans une usine quatre fois plus grande au 
début de l’année prochaine. Elle compte également engager de nouveaux collaborateurs pour atteindre environ 40 postes en 2021. 
Ce qui représente un sérieux coup d’accélérateur pour l’entreprise vaudoise qui compte aujourd’hui 25 collaborateurs, dont 5 en France, dans sa filiale qui est en charge d’exploiter les véhicules de course, située près du circuit automobile Paul Ricard, au Castellet.