Economie durable
SPECIAL CLEANTECH

Le monde merveilleux des cleantech

Savants fous, algorithmes, drones qui désherbent: dans le domaine des cleantech (technologies propres), l’innovation est au service de la protection des ressources naturelles. Énergie, eau, déchets, mobilité: en Suisse romande, ce secteur économique (4% du PIB national) se répartit sur différentes filières.
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En matière d’écomobilité, l’hydrogène commence à trouver sa place.

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Éric Plan, secrétaire général de CleantechAlps: «Les technologies propres ne se résument pas à une branche industrielle.»

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BIC – L. Christe

Le canton de Vaud accueille le plus grand nombre de start-up cleantech en Suisse. Depuis 2006, 61 jeunes pousses y ont été créées.

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Quand on pénètre dans l’univers des cleantech, on a vite le sentiment d’explorer un monde fantastique, plein de magie et de découvertes, de partir pour un voyage aussi extraordinaire que ceux de Jules Verne. Un monde dans lequel des savants fous affrontent des défis aux enjeux majeurs pour l’humanité. Après avoir envoyé l’homme dans l’espace pour mettre les pieds sur la lune, il s’agit désormais de les garder sur terre pour la sauver. Si beaucoup s’effraient en imaginant une fin prochaine du monde consumé par le réchauffement climatique, d’autres travaillent dans la discrétion de leurs laboratoires : des femmes et des hommes, les professeurs Tournesol des temps modernes qui rêvent, imaginent, façonnent, consolident les outils de demain, les cleantech, les technologies propres. Même si tout le monde en parle, peu de gens savent réellement ce que sont les cleantech. Tour d’horizon.

C’est quoi, une cleantech?
D’emblée, disons-le, il n’existe pas de définition stricte des cleantech – aussi désignées greentech ou encore, parmi les équivalents proposés en français, écoactivités innovantes, éco-innovations, écotechnologies. Le domaine évolue si vite que vouloir une définition trop précise la rendrait rapidement obsolète. Pour simplifier, on peut dire qu’elles englobent toutes les technologies, les industries, mais aussi les services qui contribuent à la conservation de l’environnement et des ressources. Cela va du recyclage des déchets à l’utilisation de drones qui désherbent en passant par des algorithmes régulant le trafic. Le champ des possibles est sans fin. Secrétaire général de CleantechAlps (plateforme des cleantech de la Suisse occidentale dont le but est de promouvoir la région comme le pôle européen des technologies propres), Éric Plan constate que leur image est encore diffuse: «Notamment, parce que les technologies propres ne se résument pas à une branche industrielle en tant que telle. Dans les faits, toute entreprise qui développe ou propose une technologie, un produit ou un service permettant d’adresser un enjeu environnemental, est une entreprise cleantech!» 

Valeur ajoutée environnementale
De manière générale, les cleantech se distinguent par une utilisation parcimonieuse des ressources naturelles, de l’énergie, de l’eau et des matières premières en passant du sable aux métaux rares, tel que le lithium par exemple. Toutes partagent une même obsession: trouver la manière la plus ingénieuse d’assurer l’efficacité et la productivité (soit une performance identique ou supérieure aux technologies traditionnelles,) tout en créant le moins de déchets possible, en utilisant les ressources avec parcimonie et en évitant autant que nécessaire les produits toxiques. Plus largement, les cleantech englobent toutes les technologies ayant une valeur ajoutée environnementale, quel que soit le secteur d’activité, et qui s’inscrivent dans un contexte d’innovation industrielle. Ce qui implique qu’elles soient novatrices et génératrices de valeur économique. 

On l’aura compris, les cleantech touchent un vaste domaine d’applications. CleantechAlps a cependant défini neuf filières prioritaires pour la Suisse occidentale. 

L’énergie solaire qui permet de produire de l’électricité par transformation d’une partie du rayonnement solaire grâce à une cellule photovoltaïque. Ces dernières années, ce marché a enregistré une croissance annuelle de plus de 30 % au niveau mondial, et en Europe plus particulièrement. En Suisse, elle ne représente encore qu’une faible part de la production d’électricité (0,82 % fin 2013). La rétribution à prix coûtant du courant injecté a toutefois donné un nouvel élan au marché suisse du photovoltaïque.
La petite hydraulique, soit toutes les installations utilisant l’énergie hydraulique pour produire de l’électricité à petite échelle (<10 MW). Grâce à des innovations sur le plan technique, les petites centrales hydroélectriques (on en dénombre plus de 1000 en Suisse) sont des sources d’énergie peu onéreuses qui permettent de produire de l’électricité renouvelable de manière décentralisée.
La valorisation des déchets qui consiste au remploi, au recyclage ou à toutes les autres actions visant à obtenir des matériaux réutilisables ou de l’énergie. En Suisse, en 2013, 359 kg de déchets par personne, provenant des ménages et de l’industrie, ont été valorisés. Ils représentent près de 51% des déchets urbains.
 

Avant d’arriver à notre robinet ou d’être rejetée dans le milieu naturel, l’eau doit être traitée. La filière du traitement de l’eau et de l’utilisation efficiente de celle-ci est en plein essor en Suisse occidentale avec une expertise mondialement reconnue.
Le smart grid est un réseau de distribution d’électricité «intelligent» qui utilise les technologies de l’information de façon à optimiser la production et la distribution d’électricité. Avec l’augmentation de la production en provenance d’énergies renouvelables, la stabilité du réseau est cruciale. Surtout parce que ces énergies sont tributaires des conditions météorologiques, donc fortement variables et difficilement prédictibles. La notion de smart grid s’applique à tout réseau intelligent, par exemple dans la gestion de l’eau où l’on parle alors de smart water.  
L’écologie industrielle est l’une des thématiques de l’économie circulaire, dont le but est de réduire l’impact environnemental de l’industrie. Dans ce contexte, les déchets d’une entreprise deviennent des matières premières. Par exemple, la chaleur résiduelle produite par les activités d’une entreprise peut être ainsi valorisée.  
L’efficience énergétique: on l’ignore souvent, le secteur du bâtiment consomme 45 % de l’énergie utilisée dans le pays. Pour réduire les émissions de CO2, un maître mot : isolation. La tendance actuelle s’oriente vers la construction de bâtiments à énergie positive, c’est-à-dire à très faible consommation énergétique. Les normes développées et appliquées en Suisse font partie des standards les plus exigeants de par le monde. 
L’écomobilite concerne la mise en place des modes et concepts de transports les moins polluants, les plus efficaces et à moindre impact sur le climat avec des émissions de gaz à effet de serre réduites, voire nulles. Dans ce contexte, l’hydrogène commence à trouver sa place.
Et enfin, les technologies hybrides. Il s’agit d’un ensemble de nouveaux procédés, de nouvelles technologies ou de nouveaux matériaux qui permettent à des technologies déjà existantes de s’améliorer au niveau du bilan écologique. 

Une nouvelle philosophie avant tout
«Les cleantech ne sont ni une recette miracle ni une baguette magique, mais une manière de réfléchir en fonction du contexte, rappelle Éric Plan. Depuis toujours l’homme a évolué grâce à la technologie. Aujourd’hui, la philosophie est d’inverser la tendance et de replacer l’homme au centre. Il doit d’abord changer sa manière de faire en s’appuyant sur la technologie. Les cleantech ne trouveront de sens véritable que si nous adoptons une attitude qui intègre le développement durable dans les actions du quotidien.»

Poids plume deviendra lourd 
Si l’on parle d’argent, le nerf de la guerre, les cleantech se défendent plutôt bien. Au niveau mondial, elles représentent entre 3 et 5 % du PIB. En Suisse, on estime entre 25 milliards de francs (4% du PIB national) et environ 2000 milliards au niveau mondial (montant évoqué pendant la période 2010/2015). Ce qui rentre ou non dans la définition des cleantech varie selon les époques, mais au niveau macro, on reste néanmoins dans une fourchette stable entre 3 et 5%. 

Savoir-faire helvétique
De manière générale, la Suisse est dans le peloton de tête mondial des cleantech. Elle compte non seulement de nombreuses sociétés phares, mais elle présente surtout une intégration complète de la philosophie d’utilisation durable des ressources. Cette philosophie fait partie intégrante de la vie quotidienne de tout un chacun. En effet, le réseau de traitement des eaux usées couvre largement le pays, la récupération et le tri des déchets sont devenus un réflexe, les standards de construction en matière d’efficacité énergétique sont parmi les plus exigeants au monde alors que la production électrique à base d’énergie renouvelable atteint des sommets (près de 60% de la production nationale,) en grande partie grâce à l’énergie d’origine hydraulique.

La palme verte revient à…
C’est le canton de Vaud qui accueille le plus grand nombre de start-ups cleantech en Suisse. Et de loin! D’après le recensement de CleantechAlps, il peut s’enorgueillir d’en avoir vu naître 61 depuis 2006, contre 44 dans le canton de Zurich. Ce qui s’explique aisément par la présence de l’EPFL à Lausanne, mais aussi de la Haute École d’Ingénierie et de Gestion du Canton de Vaud (HEIG-VD) à Yverdon-les-Bains et du technopôle d’Orbe, qui est lui aussi focalisé sur les cleantech.