Le pari au cœur du projet, c’est la création d’une identité commune, en jouant sur la complémentarité des trois offres. Évidemment, elle prendra corps dans deux ans, lorsque le deuxième bâtiment accueillera le mudac (musée de design et d’arts appliqués contemporains) et le Musée de l’Élysée (photo). Parfois, et ce sera le cas dès l’ouverture de celui-ci en novembre 2021, les trois musées partageront un sujet commun d’exposition. Ou ce seront simplement des vernissages coordonnés, «par exemple une fois par an, pour attirer les gens de très loin», imagine Bernard Fibicher, directeur du Musée cantonal des Beaux-Arts (MCBA).
Chantal Prod’Hom, qui préside aussi le Conseil de direction de Plateforme 10, est convaincue que «le fait d’être à trois est un atout formidable. Que 1+1+1, ça fait plus que 3.» La mixité des trois disciplines amènera immanquablement des publics différents, qu’il s’agit d’amener à élargir leur curiosité. Il y aura bien sûr des billets communs, un catalogue commun, une promotion commune en Suisse et à l’étranger. «Nous ferons de gros efforts au niveau de la presse alémanique ou internationale, parce qu’il y a de quoi faire venir du monde à Lausanne, renchérit Bernard Fibicher. Il y a déjà l’Hermitage que les visiteurs adorent, la Collection de l’art brut, unique au monde, que tous les touristes japonais vont voir. Avec nos trois musées réunis, pour une ville de 150'000 habitants, c’est une offre culturelle incroyable!»
Mais les idées ne manquent pas pour profiter aussi de l’attrait des lieux, de la proximité de la gare et la localisation en pleine ville. «Nous allons fortement augmenter l’offre en médiation culturelle, non seulement pour des visites commentées, mais par exemple avec des visites sandwich à midi, qui permettront aux personnes inscrites de passer une demi-heure devant deux ou trois œuvres avant de manger ensemble un sandwich au restaurant», annonce Bernard Fibicher. Au Musée de l’Élysée, les trois brunchs annuels cartonnent, selon la directrice Tatyana Franck, et « là nous pourrons en proposer tous les dimanches.»
À Plateforme 10, on compte aussi sur l’effet gratuité. On pourra y effectuer de brèves visites à toute heure, à la pause ou si on a raté un train, passer voir une ou deux salles, une peinture, et revenir plus tard en sachant que c’est gratuit. «La proximité de la gare est un atout énorme, relève Chantal Prod’Hom. Nous aurons juste à côté un flux de 200'000 passages par jour. Si nous arrivons à convaincre ne serait-ce qu’un pour cent des voyageurs de prendre le train suivant, ça nous ferait déjà 2000 personnes par jour sur le site.»
La part du numérique
Tous les musées sont confrontés à ce défi: comment enrichir les visites et la transmission d’informations grâce aux outils digitaux, tout en incitant le public à venir encore voir les œuvres réelles. Le but, pour Chantal Prod’Hom, est de trouver «les meilleurs outils pour qu’on puisse accéder d’une façon plus fun et plus connectée au contenu des expositions ou des activités dans les musées». On peut d’ailleurs en faire actuellement l’expérience au mudac grâce à «des outils que nous développons avec différentes start-ups, notamment à l’École polytechnique fédérale de Lausanne.» Ce qui reste le plus apprécié, toutefois, c’est la médiation humaine. «Un guide qui accompagne un petit groupe dans les salles, ça reste une des méthodes les plus appréciées par 90% des visiteurs». Or le budget des musées augmente et leur personnel aussi. Le MCBA passe ainsi de deux à cinq médiateurs.
200'000 visiteurs par an
Pour Bernard Fibicher, l’objectif est de doubler au moins la fréquentation du MCBA. Il recevait 30'000 à 40'000 visiteurs par an au Palais de Rumine, il en atteint 106'000 avec sa dernière exposition consacrée à Ai Weiwei. Cet objectif pourra-t-il être atteint pendant la période de transition de deux ans, avant l’ouverture du deuxième bâtiment? Difficile à évaluer, notamment en raison de l’impact incertain des chantiers qui vont ouvrir du côté de la gare. L’espoir de Plateforme 10 est d’attirer au moins 200'000 visiteurs par an, dès 2021.