«Pro Sen, c’est pour les vieux!» Cette phrase prononcée par un sémillant octogénaire, Charlotte Christeler, responsable de la communication à Pro Senectute Vaud l’a entendue plus d’une fois. Si l’association n’est plus toute jeune (la section vaudoise a été fondée en 1919, à une époque d’extrême précarité des aînés), elle n’a pourtant rien perdu de sa vigueur. Sans quitter son cap (contribuer au bien-être matériel, physique et moral des personnes en âge de retraite), elle a su adapter sa mission aux évolutions du temps. À côté du volet social, les prestations de loisirs sont ainsi devenues sa marque de fabrique : sur le site internet, on trouve un large choix d’activités dans tout le canton, mises sur pied au sein même de l’association ou en collaboration avec des partenaires.
Naissance d’une deuxième génération de seniors
Comme l’explique Charlotte Christeler, «l’image du senior a beaucoup évolué. Avant, quand on arrivait à la retraite, c’était presque le début de la fin.
Aujourd’hui, les statistiques comme les faits montrent que, dans la majorité des cas, il reste une vingtaine d’années en bonne santé : une véritable deuxième vie ! D’ailleurs, de plus en plus de gens de 60/65 ans utilisent nos services.»
Selon elle, on assiste à la naissance d’une «deuxième génération de seniors, beaucoup plus active, pleine de désirs et de plus en plus connectée. Le lien social est réellement au cœur de notre action, car on sait à quel point il est le garant d’une qualité de vie tant sur le plan moral que physique.» À titre d’exemple, les soirées « Forever Young » au Mad Club de Lausanne à destination des 60 ans et plus rencontrent un vrai succès et témoignent de cette tendance. « On voulait dynamiser l’image parfois vieillotte de Pro Senectute…»
Réduire la fracture entre les générations
L’autre effort porte sur les activités intergénérationnelles, car «les seniors n’ont pas envie d’être stigmatisés, ils ont besoin d’être valorisés de manière naturelle», insiste Charlotte Christeler. Malgré quelques initiatives qui ont reçu un bel accueil, comme le podcast Si tu savais, ce type de projets contre l’âgisme restent peu développés. En revanche, la section vaudoise de Pro Senectute a fait des technologies modernes son cheval de bataille, car la fracture numérique reste bien présente chez les aînés: «Si 95% des seniors sont connectés, beaucoup ne savent pas faire des opérations de base comme prendre un billet de train.» L’autre spectre qui plane sur cette génération : les arnaques en ligne. Les personnes âgées ne sont pas les seules à tomber dans certains pièges, mais la peur est très palpable chez elles. «Nous investissons beaucoup de temps et d’énergie pour les accompagner dans les méandres du monde digital, mais ne pouvons pas agir seuls. Les entreprises telles que les établissements bancaires ont aussi cette responsabilité sociale d’inclure les personnes peu ou pas connectées, qu’elles soient retraitées ou non», indique Charlotte Christeler.
Permanences numériques: une activité branchée
À mi-chemin entre le volet social et le volet loisirs, Pro Senectute Vaud met donc sur pied de nombreuses permanences numériques gratuites dans tout le canton autour de l’utilisation des smartphones, ainsi que des cours ou des ateliers à petits prix sur des sujets variés comme la cybersécurité ou le choix du matériel informatique. Du côté de Payerne, Vieillir2030 finance le projet pilote des permanences numériques intergénérationnelles, des rencontres mensuelles afin de se familiariser avec les téléphones portables ; elles ont démarré fin 2022. Un an et demi après, le succès est au rendez-vous avec 166 participants.
Comme s’en réjouit Audrey Maendly, déléguée seniors à la Ville, «les seniors de Payerne et des environs ne cessent de vanter les bienfaits de ce temps d’échange gratuit et bien réel pour se sentir moins seuls devant tant de complexité numérique.»
Un maillage sur tout le territoire vaudois
Présente dans toutes les régions du canton, Pro Senectute Vaud emploie une centaine de collaborateurs, appuyés par quelque 500 bénévoles qui œuvrent auprès des personnes âgées. «Les bénévoles, souvent des seniors épaulés par des professionnels, sont au cœur de notre succès», témoigne Charlotte Christeler. Il existe donc un éventail d’activités propres à chaque région. « Cela dépend des opportunités, de l’offre existante sur les territoires, mais aussi des souhaits des seniors: on s’adapte et on innove.» Grâce à une dizaine de bureaux régionaux, généralement chapeautés par une animatrice et une assistante sociale, l’implantation locale est la force de Pro Senectute Vaud qui possède une vraie connaissance des territoires où elle intervient.
Du mouvement et du sport
Chez Pro Senectute Vaud, de la marche au yoga en passant par la gymnastique, la danse, les sports d’hiver ou les ateliers d’équilibre, l’activité physique adaptée règne en maître. «C’est une réalité que le corps est moins souple, qu’il y a plus de réticence à faire certains mouvements et il est souvent plus facile de suivre un cours de yoga avec des gens de sa génération qu’avec de fringants jeunes gens.»
Totalement gratuite grâce aux subventions communales et aux dons de fondations, la prestation «Seniors en forme» offre durant l’été des séances hebdomadaires d’activité physique sans inscription, dans plusieurs parcs de Lausanne. Menées avec entrain par des professionnels en activités physiques adaptées (APA), elles rencontrent un succès grandissant. « Nous avons doublé le nombre de participants en quatre ans!», se félicite Charlotte Christeler. Depuis l’été 2024, la version «Générations en forme», ouverte à tous les âges, a été proposée en complément grâce à une collaboration avec la Haute école de santé Vaud (HESAV). «Même si cela demande une grosse logistique, c’est un projet qui nous tient à cœur et que nous serions heureux de pouvoir décliner dans d’autres régions un jour.» Ce projet sera évalué par la HESAV grâce à un financement accordé par Vieillir2030.
De la culture et des rencontres
Au milieu des nombreuses prestations d’ateliers créatifs ou de sorties culturelles – comme le Ciné-seniors proposé l’après-midi notamment à Lausanne et Château-d’Œx –, Charlotte Christeler met avant les plaisirs de la table. «Faire ses courses ou réfléchir à l’alimentation quotidienne peut être pénible pour les personnes âgées, ou tout simplement seules. Dans certains villages désertés, sans lieu chaleureux où se retrouver, partager de bons plats est une réelle motivation.» En témoignent le succès des excursions gourmandes (qui peuvent se décliner en bus pour les plus fragilisés) ou les fameuses Tables conviviales qui attirent toujours autant, depuis leur création en 2009. Animées régulièrement par des bénévoles chez eux ou au bistrot, elles permettent de partager un moment précieux. «Il y a souvent des retrouvailles, on a vu aussi des couples se former bien sûr, et des amitiés naître…» Dans cet esprit de lien cher à Pro Senectute, Charlotte Christeler évoque les «soirées messages» organisées dans un bar de Lausanne où des billets doux, drôles ou poétiques sont transmis de manière anonyme. «J’ai vu des regards pétiller, des sourires en coin, des femmes se faire belles comme s’il s’agissait de leur premier rendez-vous galant…» Et les hommes? « Les femmes sont clairement plus nombreuses à participer à nos activités. Malheureusement, beaucoup d’hommes n’osent pas encore franchir le pas.»