L'Economie
Entre Covid et accord-cadre

Des MATIÈRES PREMIÈRES en hausse dans la construction

Dans le bâtiment, la demande en matières premières a dépassé l’offre. Les entreprises répercutent ces prix soudainement plus chers sur leurs clients. Il faut revoir à la hausse les devis déjà rédigés. Pas encore alarmante, la situation pourrait freiner certains projets.
© ARC Jean-Bernard Sieber

Alain Folly, responsable de l’entreprise Von Auw (chauffage et installation sanitaires) à Préverenges.

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L’année 2021 est une année seuil dans l’augmentation des prix des matières premières pour les entreprises de construction. Les chantiers et les projets avaient été mis en pause en raison de la pandémie. Mais aujourd’hui, on assiste à une reprise mondiale, tous azimuts. Face à une demande en plein boom, se fournir en matières premières devient plus cher. Quels que soient les fournisseurs ou les matériaux, la facture cette année est salée.

Pour Alain Folly, chef de l’entreprise Von Auw SA à Préverenges, spécialisée en installation de chauffage et de sanitaires, les prix ne vont pas redescendre. «Pour moi ce n’est pas passager, c’est acquis, constate Alain Folly. Nous avons franchi en 2021 un palier de non-retour dans le marché des fabricants, des grossistes, des fournisseurs et des installateurs.» Sur certains composants, Alain Folly constate une hausse des tarifs de 8% à 10% depuis le début de l’année, notamment sur les pièces de rechange de chauffe-eau, la tuyauterie en inox, les plastiques de certaines installations et sur les pompes à chaleur. «Des hausses ont déjà été établies au cours de l’été et chaque semaine, désormais, on est informé d’augmentations pour le mois à venir», rapporte ce chef d’entreprise.

Des prix en béton armé
Si se fournir coûte cher, les devis et les prix de constructions auprès des clients prennent aussi l’ascenseur. Chez Von Auw, certains devis ont augmenté de 3 à 4%, mais personne n’a pour le moment renoncé à faire affaire avec l’entreprise d’Alain Folly, nous assure-t-il. La situation est plus préoccupante dans le bétonnage et le génie civil. Le prix de l’acier, qui sert d’armature pour le béton armé, a grimpé en flèche de 90 % depuis janvier. C’est le chiffre avancé par Pierre Barbey, co-directeur de l’entreprise de maçonnerie Barbey Frères SA à Fenil-sur-Corsier. «En prévision de la croissance des prix, on a tenté de stocker le plus possible en début d’année, mais les aciers sont façonnés selon des plans de chantiers précis, donc nous avons vite été confrontés à des factures élevées pour l’acier»,  constate l’entrepreneur.

Cette hausse vertigineuse se répercute forcément sur le prix final pour le client. Par conséquent, les devis et les soumissions doivent souvent se renégocier chez Barbey Frères SA.

«Pour le moment, on arrive toujours à trouver un terrain d’entente sans perdre de contrat, mais je reste inquiet. Si ces tarifs persistent, on va peut-être davantage opter pour des constructions en bois, un matériau avec lequel on est en concurrence.» Pourtant, le bois n’est pas non plus en reste.  

 

Razzia américaine
François Banderet, responsable d’une entreprise de charpente à Champagne indique que pour certains types de bois comme le lamellé-collé, le prix auprès des fournisseurs a été multiplié par 2,5. Une offre de bois européenne raflée par les acheteurs étasuniens en raison des taxes sur le bois canadien, selon des échos entendus par le responsable de l’entreprise. Mais la situation du marché peut aussi s’expliquer par la crainte d’une proche rupture des stocks, qui pousse les entreprises à acheter plus que nécessaire. «J’avais anticipé la chose, se souvient François Banderet. J’ai acheté tout ce dont j’avais besoin pour l’année et je l’ai stocké.» Paradoxalement, la peur d’une pénurie peut provoquer un emballement des commandes impliquant une croissance des prix des matériaux.

S’inquiéter sans s’alarmer
Sans aller jusqu’à parler de situation de pénurie, l’offre semble désormais inférieure à la demande et les livraisons des commandes prennent du retard. «On assiste chez nos fournisseurs, et ceux des autres corps de métiers de la construction, à un goulot d’étranglement dans les commandes de matériels, s’inquiète Alain Folly, responsable de l’entreprise Von Auw. Mais la situation reste normale du 80% des cas.» Il tente de ne pas s’alarmer outre mesure de cette situation. «On a eu vent de ruptures de stock sur certaines pièces courantes, mais pour le moment, nous n’avons pas été impacté par cela.»

Quant à une baisse inespérée des prix, Pierre Barbey se veut optimiste pour le futur, tout en admettant qu’un cap ait été franchi. «Je ne pense pas que les prix redescendent au niveau d’il y a un an, mais il y aura une stabilisation. On a déjà fait face à des fluctuations du marché, mais les précédentes croissances des prix n’étaient pas aussi marquées.»