L'Economie
Entre Covid et accord-cadre

HÔTELLERIE: une nouvelle clientèle regagne les chambres

Pour Jean-Jacques Gauer, patron de l’Association romande des hôteliers (ARH), l’hôtellerie reprend déjà des couleurs et saura s’adapter aux nouveaux besoins de la clientèle. Interview.
© ARC Jean-Bernard Sieber

Président des hôteliers romands depuis moins d’un an, Jean-Jacques Gauer a hérité d’une situation peu enviable en raison des séquelles de la pandémie.

© ARC Jean-Bernard Sieber

Quelle est la situation actuelle dans l’hôtellerie romande en général?
Tout d’abord, il faut faire la distinction entre la situation dans l’hôtellerie urbaine et de campagne ou de montagne. Les établissements en ville ont davantage souffert, mais on sent que les choses reprennent, même si la clientèle a changé. On a moins de businessmen, davantage de Suisses.

Comment expliquer ce changement?
La pandémie a développé le télétravail et cela a un impact sur le nombre de voyages d’affaires. On réfléchit davantage avant de prendre l’avion et le télétravail réduit le nombre de miles. Il y a une évolution qui impacte l’hôtellerie, mais ce n’est pas dramatique. Il faut regarder la réalité en face et s’adapter.

Quelles autres faiblesses la pandémie a-t-elle mises en lumière?
La crise du Covid a révélé une surcapacité hôtelière, aussi en Suisse romande. Et on a pu voir que l’hôtellerie familiale est devenue vulnérable. Les grandes chaînes perdent du terrain sur cette clientèle face à des petites auberges qui, elles, gagnent en solidité. Mais les gens réclament cette authenticité désormais. On voit un rejet des produits standardisés à la Hilton ou à la Sheraton.

Comment se reprendre face à cette évolution?
L’ARH, sous l’impulsion de son directeur Alain Becker, a créé un laboratoire de réflexion pour trouver des solutions pour l’hôtellerie urbaine. Il faut penser à une nouvelle manière de faire. L’environnement a changé l’hôtellerie durablement. Nous allons agir en conséquence sur de nouvelles manières de se rencontrer, de voyager, de faire des conférences.  

Est-ce qu’il y a des points d’amélioration où il y a déjà un consensus qui se dégage à l’ARH?
Il est trop tôt pour le dire. Les résultats de nos réflexions seront publiés d’ici la fin de l’année. Mais on a déjà de belles pistes. On pense qu’il y a des surfaces que l’on pourrait optimiser, mais une quelconque nouvelle stratégie implique de grands investissements. Par exemple, si l’on change un centre de conférences en chambres, cela a un coût.

Est-ce qu’il y a aussi des changements à opérer sur les tarifs pour rattraper un manque à gagner sur le tourisme familial, concurrencé par Airbnb?
Si le tarif est trop élevé, l’hôtelier le baissera. Airbnb est une alternative, souvent moins chère qu’une chambre d’hôtel, mais avec ses désavantages. On n’a pas la même vie privée, on vit chez quelqu’un. Je ne pense pas qu’Airbnb va changer les tarifs hôteliers. C’est juste une autre manière de faire. A titre de comparaison, on peut voler avec Lufthansa ou EasyJet. Il y a une clientèle pour les deux et il y a de la place pour tout le monde.

Vous avez pris les rênes de l’Association romande des hôteliers début 2021. Pourquoi se lancer dans ce défi dans une période compliquée?
Je n’étais pas candidat. On est venu me chercher. Un job comme cela demande trop de temps pour un jeune qui monte une affaire. En plus, c’est très peu rémunéré. Moi, j’ai 68 ans, j’ai de l’expérience. J’ai présidé un consortium qui regroupe 375 hôtels; j’ai dirigé le Lausanne Palace de 1996 à 2016. J’ai de la bouteille. En plus, on peut occuper la présidence de l’ARH jusqu’à 70 ans, donc une de mes missions est de me trouver un successeur (rires).  

Et avez-vous des nouvelles la situation au Lausanne Palace?
La tendance est à a la reprise. J’entends partout que ça rebondit vite. Dans le haut de gamme, j’ai vu qu’à Vevey, les Trois Couronnes tire un bilan estival digne de l’avant Covid. Au Montreux Palace, les équipes vivent un automne qu’elles n’ont pas connu depuis trois ans. La dynamique reprend.

En quoi consiste votre travail de président de l’ARH depuis un an?
Il a fallu aider nos membres pour traverser la crise du Covid. Pour cela, nous avons informé les autorités des risques que certains établissements subissaient, comme le manque de liquidité. Et sur ce point je veux souligner le fait que les crédits Covid sont arrivés avec une vitesse phénoménale et que les RHT ont bien fonctionné. Nonante pour cent de nos membres ont eu ce qu’ils voulaient. Et l’ARH a aidé à trouver des solutions rapides et efficaces. On n’aurait pas pu exiger mieux.

Alors que peut-on souhaiter de plus pour le secteur de l’hôtellerie?
Beaucoup d’employés ont quitté l’hôtellerie lors de la crise. On fait face à une demande de contrats plus flexibles, à temps partiel. Les deux défis sont d’adapter l’offre et de rendre le métier attractif à nouveau. Ce qui est sûr, c’est que l’on s’est rendu compte d’une chose: on ne peut plus graver notre stratégie dans le marbre.