La prospérité est-elle éternelle? La question peut paraître absurde, mais pour qui a observé la situation économique vaudoise des vingt dernières années, les implantations spectaculaires, la création d’emplois et les succès en matière d’innovation semblaient presque aller de soi, tant la santé du canton paraissait de fer.
Selon la conseillère d’État Isabelle Moret, cet équilibre n’est pas fragile, mais il faut l’accompagner et le faire évoluer lorsque nécessaire; pour, justement, ne jamais se reposer sur ses lauriers, comme elle l’expliquait devant les représentants d’une association régionale: «Nous avons eu la chance que la composition très variée de notre tissu économique ait permis de résister aux crises. Je pense au franc fort, au Covid-19 et maintenant à la hausse des matériaux consécutive à l’augmentation des coûts de l’énergie, en marge de la guerre en Ukraine», analysait la ministre.
«Ainsi, ce qui est important pour le Conseil d’État, ce n’est pas uniquement d’accueillir des multinationales et des startups, mais justement toutes ces petites et moyennes entreprises, souvent en mains familiales, qui assurent la variété des activités et la solidité de notre canton. Elles nous ont permis de traverser les crises récentes et nous allons continuer à nous appuyer sur elles pour maintenir la croissance et fournir les emplois qui nous sont nécessaires.»
Le fonds de soutien à l’économie durable
S’appuyer sur elle et les aider aussi, notamment via un fonds créé en 2021 et doté de 25 millions de francs, fonds dédié au soutien de l’économie durable. Et l’efficacité de la mesure ne s’est pas fait attendre, puisqu’en 2022, 22 entreprises en avaient déjà profité avant de faire boule de neige cette année déjà. «Actuellement, 112 sociétés ont fait appel à ce fonds pour un montant total de 2,2 millions d’aides», détaille Katell Bosser, cheffe de projet économie durable, qui rappelle que 22 millions sont encore disponibles pour «booster» les PME sur le chemin du durable.
La spécialiste insiste sur le fait qu’il s’agit parfois d’avancées très simples, mais que l’aide cantonale permet de structurer ou de financer une ressource (administration, innovation, recherche ou marketing) que tout entrepreneur n’est pas forcément en mesure d’assurer alors que son idée est bonne.
«Le premier point que nous voulons voir avancer, c’est la diminution de l’empreinte carbone, ainsi que le cycle de vie des produits qui doit être allongé. Importer sa ses matières de Chine ou s’approvisionner avec des produits d’ici n’a pas le même impact, mais c’est un virage qui doit bien se négocier et que nous pouvons favoriser. Si je devais prendre une image, je citerais les sites internet. Tout le monde a le sien aujourd’hui, mais il y a des précurseurs qui ont occupé l’espace et ceux qui ont attendu trop longtemps pour s’y mettre. L’économie durable, c’est un peu pareil, chacun y viendra forcément.»
Concrètement, le fonds de soutien a été doté de 25 millions, les outils de distribution ont été décidés ainsi que les critères, pour être certain d’appuyer le bon projet. «Une volonté forte est d’augmenter les synergies et favorisant les projets collaboratifs. Quand je vois les premiers projets dans le domaine de la viticulture – le lavage des bouteilles organisé par plusieurs domaines – ou le partenariat entre une légumerie et un acteur de la restauration collective, nous sommes dans des projets simples, de proximité et qui ont un effet direct sur l’empreinte carbone. Il ne s’agit pas de révolutions technologiques comme on peut parfois le penser quand on pense à la durabilité», se réjouit Katell Bosser.
Le grain de sel de l’État
Mais finalement, pourquoi faut-il que l’État «mette son grain de sel» dans le fonctionnement d’entreprises privées dont la vocation est de voler de leurs propres ailes? «Un patron de PME évolue parfois seul, en particulier quand il développe un nouveau projet ou remet en cause une partie de son fonctionnement. Intuitivement, il pense qu’il fait juste – ce qui est très souvent le cas –, mais il y a des étapes dans les domaines de la recherche, du développement, qui nécessitent un appui et pour lesquelles il n’a pas souvent les fonds », analyse la cheffe de projet.
La participation cantonale ne vise donc pas l’entreprise accompagnée comme une fin en soi, mais comme un moyen de tendre vers son objectif – qui s’inscrit dans un plan climat très ambitieux – qui est de faire de son territoire un exemple en matière d’économie durable, en donnant l’impulsion et l’envie de s’engager à ceux qui ont « les mains dans le cambouis» et dont on attend un bilan carbone de plus en plus propre.