Plateforme 10
Quartier des arts

Rencontrons-nous à la gare au Musée du design et d’arts appliqués contemporains (mudac)

Jean-Pierre Vaillancourt

La table de bronze poli et patiné de Studio Job représentant un accident de train (2015): une des stars de cette exposition.

Jean-Pierre Vaillancourt

Avant de sauter dans le train de cette exposition commune, le commissaire de l’exposition Marco Costantini a dû resserrer le sujet de manière drastique. «Si l’on avait dû s’arrêter au monde ferroviaire, ou même aux humains qui le traversent ou le composent, le corpus d’œuvres aurait été gigantesque!»

C’est là que l’idée du roman de gare a germé, «ces livres faciles et distrayants, de ceux qu’on lit rapidement, le temps d’un voyage en train». En passant commande à des auteurs contemporains, le directeur adjoint du mudac était de plain-pied dans son sujet: «La consigne était simplement de placer leur intrigue dans le monde ferroviaire et d’utiliser une sélection d’œuvres et d’objets comme décor, élément de situation ou de dialogue.» Signé Bruno Pellegrino, Aude Seigne et Daniel Vuataz, Terre-des-Fins est ainsi devenue une œuvre à part entière, éditée chez Zoé, qui narre la rencontre entre une commissaire d’exposition et une jeune graffeuse dans une ville minière sur le déclin, uniquement accessible par le rail…

Un roman de gare
Pour traduire ce roman de gare de manière scénographique, Marco Costantini s’est cette fois tourné vers des étudiants du département Architecture d’intérieur de la HEAD, qui ont planché durant un semestre sur un scénario pouvant s’adapter aux espaces du nouveau musée.

«Une gageure», comme le souligne Chantal Prod’Hom, la directrice du mudac qui prendra sa retraite l’automne prochain, puisque le musée est passé d’une maison de maître du XVIIe siècle labyrinthique à un plateau ouvert de 1500 m2 où des parois mobiles peuvent reconfigurer l’espace à tout moment, selon les besoins: «un véritable nouveau terrain de jeu».

Le choix s’est finalement porté sur un décor en brique rouge inspirée des villes industrielles d’Europe de l’Est. «Une des références est clairement Dogville, le film de Lars von Trier, dont le décor simule une ville en deux dimensions, comme un plateau de jeu justement» explique Marco Costantini. «Même la fenêtre qui donne sur les rails est intégrée!» s’enthousiasme Chantal Prod’Hom qui salue un laboratoire scénographique inédit.

Une expo dont on est le héros
Au visiteur de s’immerger ainsi dans cette ville nouvelle en déambulant en toute liberté dans le décor (de cinéma) du roman rythmé par une centaine d’œuvres «de tous niveaux». Une des stars? Au milieu d’œuvres de Christian Boltanski, Salvador Dali, Sophie Calle ou encore Marina Abramovic, c’est résolument la table de Studio Job représentant un accident de train. «Toute l’expo part sur l’idée de rencontre; le choc brutal en est une» soutient Marco Costantini. Si certains artefacts proviennent des archives CFF, la variété des médiums et de leurs provenances donne ici le tournis: objets de design, installations, photos, bande dessinée, publicités – des affiches «collector» de la Cinémathèque suisse ou de Vuitton ont même été réimprimées pour pouvoir être collés aux murs –, une dizaine de clips vidéo, de Mylène Farmer à Björk – «un vrai parcours du combattant du côté des droits d’auteur» – mais aussi des jeux de plateau valorisant graphiquement le terrain ferroviaire, dénichés au Musée du Jeu de La Tour-de-Peilz… Et même un véritable wagon tagué par une graffeuse romande. «Une balade sensorielle et émotionnelle, avec un côté arts décoratifs totalement assumé, et dont la transversalité – l’essence même de Plateforme 10 – est véritablement au cœur.» Une expo dont vous serez inévitablement les héroïnes et les héros.