La Mobilité
Enjeu majeur du futur

Les JONCTIONS autoroutières : créer un cercle vertueux

Si les projets autoroutiers peuvent susciter de l’opposition lorsqu’il s’agit de leur extension, d’autres développements peuvent néanmoins amorcer un cercle vertueux. C’est le cas du projet de suppression du goulet d’étranglement de Crissier et de ses nouvelles jonctions. Chef de la planification à la DGMR, Federico Molina explique comment, en concentrant le trafic sur l’autoroute, ils ouvrent la voie aux transports publics et à la mobilité douce.
Forster-Paysage

Future jonction autoroutière de Chavannes  : le projet propose de couvrir l’autoroute sur 150 mètres. Au-dessus, la route enjambant l’axe autoroutier, un parc urbain, une piste cyclable et un cheminement pour piétons.

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ARC Jean-Bernard Sieber

Federico Molina, chef de la planification à la Direction générale de la mobilité et des routes : « L’autoroute concentre le trafic pour préserver la zone urbaine. »

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Une grande partie du trafic à destination de l’Ouest lausannois utilise la seule jonction de Crissier. Les alentours du carrefour sont congestionnés.

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Créer deux nouvelles jonctions autoroutières ? Il est vrai que, de prime abord, cela peut paraître un peu paradoxal… « Nous continuons à investir dans le développement d’infrastructures autoroutières alors que les enjeux climatiques devraient plutôt nous encourager à viser la sobriété énergétique », sourit Federico Molina. Pourtant, comme il l’explique, cet investissement est primordial si l’on veut permettre aux cyclistes de rouler en toute sécurité et développer, en même temps, un réseau de transport public performant, susceptible de motiver un important report de la voiture vers le tram ou les bus : « Ces jonctions ouvrent la boucle d’un cercle vertueux à la hauteur des défis qui attendent l’agglomération Lausanne-Morges. Elle a vu sa population augmenter de quelque 42’000 habitants entre 2012 et 2023. »

Il est vrai qu’au cours des trente dernières années, le trafic a plus que doublé sur les routes nationales, atteignant les limites de leur capacité sur de nombreux tronçons. Pour maintenir le réseau en état de fonctionnement, la Confédération avait décidé, entre 2009 et 2014, de consacrer quelque 5,5 milliards de francs pour éliminer les goulets d’étranglement les plus graves, dont celui de Crissier, où il est prévu l’aménagement d’une troisième voie. 

Modifier les habitudes

Parallèlement à cela, le Projet d’agglomération Lausanne-Morges (PALM) – qui réunit des instances communales, intercommunales, régionales et cantonales – s’était fixé toute une série d’objectifs pour accompagner le « développement durable » de la région. Federico Molina résume : « Le PALM a fait le pari d’assumer sa croissance en modifiant les habitudes de ses habitants, mais aussi de celles et ceux qui viennent y travailler, notamment en reportant l’essentiel des déplacements actuels et futurs vers des modes de transport vertueux, comme les transports en commun et la mobilité douce pour les courtes et moyennes distances. » 

Et l’État de Vaud (avec les communes concernées et d’importantes subventions fédérales) ne lésine pas sur les moyens : création de nouvelles infrastructures telles que le tramway et les bus à haut niveau de service, renforcement de l’offre de bus existante, développement de la gare de Renens, aménagements de pistes cyclables et piétonnières : « Le potentiel transfert vers le vélo, pour ne parler que de lui, est très élevé, sachant qu’une grande partie de nos déplacements quotidiens sont très courts : la moitié font moins de cinq kilomètres. » 

Un cercle vertueux 

Mais pour que les gens changent leurs habitudes, il faut développer des infrastructures de transport public efficaces et rapides, aménager des voies pour que les bus ne soient pas englués dans la circulation tout comme il faut aussi créer un espace sécurisé pour la mobilité douce. « C’est précisément pour dessiner ce cercle vertueux que nous avons besoin de ces nouvelles jonctions autoroutières », explique Federico Molina. 

Et même si elle peut paraître paradoxale, la raison n’en est pas moins parfaitement cohérente. « Aujourd’hui, le trafic de transit sur l’autoroute de contournement est plutôt faible, une nette majorité des voitures entrent et sortent de l’agglomération. Ensuite, ce trafic circule en bonne partie sur le réseau local de l’Ouest lausannois, étant donné le faible nombre de jonctions dans ce secteur. La création des nouvelles jonctions de Chavannes et d’Ecublens ainsi qu’un complément à la jonction de Malley, vont permettre d’utiliser l’autoroute pour ce qu’elle est : une artère routière qui concentre le flux avant de le répartir par capillarité dans la zone urbaine. »

Faire de la place pour le tram

Effectivement, et on aurait presque envie de dire que cela tombe sous le sens, en multipliant ces sorties, cela permet de garder le trafic sur l’autoroute au plus proche de sa destination et, d’autre part, de diminuer aussi le trafic à la sortie des jonctions actuelles. « Il suffit de voir comment cela fonctionne aujourd’hui à Crissier, constate Federico Molina. Une grande partie du trafic à destination de l’Ouest lausannois utilise cette seule jonction. Le périmètre autour du carrefour de Crissier est congestionné, c’est à peine si un bus peut passer, sans parler des dangers pour les cyclistes. Grâce aux nouvelles jonctions, nous leur ferons de la place, ce qui aura pour effet d’encourager de nombreux usagers à renoncer à leur voiture au profit des transports publics ou d’enfourcher leur vélo pour les petites distances. »  Globalement, le projet d’agglomération vise tout d’abord un transfert modal de la voiture aux transports publics et à la mobilité douce : « Et pour le trafic automobile qui subsistera, on vise un transfert spatial, soit du réseau local au réseau national. »

Le projet de l’Office fédéral des routes (OFROU) est donc de créer une nouvelle jonction à Ecublens et à Chavannes. Une nouvelle bretelle est aussi prévue pour améliorer celle de Lausanne-Malley, actuellement surchargée aux heures de pointe, pour faciliter l’accès à l’autoroute : « Ceux venant de Morges doivent bifurquer à gauche, ce qui crée un conflit avec le trafic relativement important qui descend dans l’autre sens. Ce qui provoque aussi des files d’attente qui s’étendent souvent jusque dans le giratoire situé en face de l’Université. Les lignes de bus et les aménagements cyclables pourront ainsi être améliorés. »

Enterrer la jonction de Chavannes

On l’a dit, si ce projet dans son ensemble est pharaonique, c’est simplement parce qu’il est à la hauteur des enjeux démographiques et environnementaux auxquels le canton de Vaud est confronté. Il est donc logique que ces projets aient pu susciter des questions, des oppositions et des interpellations au Grand Conseil. En l’occurrence, c’est surtout la jonction de Chavannes qui avait été la cible, lors de la mise à l’enquête en 2018, de nombreuses oppositions. Federico Molina revient sur les conséquences de cet épisode : « Depuis, l’OFROU a corrigé sa copie, et en profondeur. Si le plan initial prévoyait un pont au-dessus de l’autoroute et le tout sur une large surface bétonnée, le projet propose désormais de couvrir l’autoroute sur une longueur de 150 mètres, ce qui permettra d’accueillir, en surface, la route enjambant l’axe autoroutier, mais aussi un parc urbain, une piste cyclable et un cheminement pour piétons. Compte tenu des nombreuses contraintes liées à cet axe stratégique (63’000 véhicules par jour), le nouveau projet permet ainsi une meilleure intégration des infrastructures routières, et apporte une réponse concrète aux questions environnementales et paysagères. »  

Ce nouveau projet voit son coût ainsi augmenter, et passera de 70 à quelque 110 millions de francs, dont 65 % à la charge de la Confédération et 35 % du Canton. La commune de Chavannes y contribuera à hauteur d’un million de francs.

Un chantier de 2029 à 2037

Sous réserve des procédures d’approbations, ce vaste chantier devrait s’étendre de 2029 à 2037. « Les coûts et la durée des travaux sont également liés au fait que, tout au long du chantier, le trafic routier et ferroviaire (vers la future jonction d’Ecublens) sera maintenu, malgré des ralentissements ponctuels ou des coupures de nuit ou en périodes creuses. »

Comment supprimer le goulet de Crissier ?

Si le terme pharaonique est souvent galvaudé, il ne l’est pas vraiment pour le projet de suppression du goulet de Crissier tel que mis à l’enquête par l’Office fédéral des routes (OFROU) en 2018. Budgété à 1,2 milliard de francs, il comprend l’élargissement de l’autoroute sur une distance d’environ cinq kilomètres, mais également l’aménagement de nouvelles bretelles le long de ces échangeurs dans le but de supprimer des entrecroisements qui, aujourd’hui, posent de sérieux problèmes de sécurité.

Dans le secteur de la future jonction d’Ecublens, cet élargissement sera plus complexe dans la mesure où les réseaux routier et ferroviaire sont totalement enchevêtrés ; ce ne sont pas moins de six ponts CFF qui passent par-dessus l’autoroute. Pour contourner cet « obstacle » – le défi étant de le faire sans gêner le trafic ferroviaire –, le niveau de l’autoroute sera abaissé sur plus de 200 mètres puis recouvert afin de remplacer les six ponts ferroviaires par une surface plane d’un seul tenant. Cette intervention permettra de désolidariser complètement les ouvrages routiers de ceux appartenant à l’infrastructure ferroviaire. Autre conséquence positive, les futures extensions ferroviaires seront sans impacts sur l’exploitation de l’autoroute. La création des jonctions autoroutières de Chavannes et d’Ecublens, ainsi que le complément à la jonction de Malley sont également compris dans le programme de l’OFROU, même si 35 % des travaux liés aux jonctions de Chavannes et Malley est pris en charge par le Canton de Vaud, principalement, et les communes concernées, soit environ 46 millions de francs en raison de l’intérêt local de ces jonctions. 

L’OFROU en profitera également pour assurer l’entretien des infrastructures existantes, notamment la réfection des revêtements et l’assainissement des passages qui enjambent l’autoroute.