L’année dernière à pareille époque, dans l’éditorial du supplément économique de la FAO, nous nous demandions si la transition numérique méritait le qualificatif de révolution, pour conclure aussitôt que peu importait: la perspective de vastes changements était ouverte, le train déjà en marche (et le canton de Vaud embarqué de toute façon). Devant ce phénomène puissant, la question fondamentale est celle de la préparation de la société, dans chacune de ses composantes, pour y faire face: tout conflue alors vers deux maîtres-mots, la formation et l’innovation. Par quel bout que ce soit, on tombe dessus. En particulier sur la formation.
L’adaptation de chacune à chacun, de monsieur-et-madame-tout-le-monde, des enfants, des ados, des seniors? Une sorte d’autoformation qui se fait par la force des choses au quotidien au contact de mille pratiques, à différents rythmes, en self-made men and women. Les entreprises, dans leur obligation d’innover? Elles en appellent vivement à du personnel formé à de nouvelles compétences, en sachant d’ailleurs qu’elles doivent elles-mêmes mettre la main à la pâte en matière de formation. Les pouvoirs publics, qui croyaient s’être modernisés dans les années nonante et découvrent que l’ouvrage ne cesse de devoir être remis sur le métier? Formation à tous les étages, car il faut apprivoiser une nouvelle pensée, de nouvelles approches, de nouveaux instruments, de nouveaux comportements, par exemple pour être en mesure de lancer des projets innovants et collaboratifs en lien avec la transformation numérique; comme les entreprises du secteur privé, les administrations publiques se sont muées au fil des décennies en «organisations apprenantes» – pour emprunter un terme en vogue chez les spécialistes de l’organisation et des ressources humaines: une telle expression s’avère aujourd’hui pertinente comme jamais.
Et bien entendu, il y a la formation, celle que dispensent les établissements de l’enseignement, celle qui est de toute évidence déterminante et à laquelle le présent numéro consacre une bonne part de sa substance. On y découvre un état des lieux et les champs étendus que défriche activement et rapidement la politique cantonale de la formation. Les trois grands axes de celle-ci ont été définis, ils touchent aux objectifs de formation des élèves, non seulement au titre de la science informatique et des outils, mais – et c’est essentiel – à l’éducation aux médias. Ils touchent aux compétences des enseignants eux-mêmes. Enfin, un axe porte sur une phase pilote mettant en œuvre une quinzaine d’établissements, et l’on y voit un premier enseignement tiré de la transition numérique, à savoir que pour réussir, il ne faut pas ménager ses efforts pour expérimenter, tester, explorer – quitte à faire fausse route parfois; il ne faut pas attendre l’aboutissement de toutes les nécessaires réflexions en cours, il faut œuvrer dès à présent en laboratoire grandeur nature et sur le terrain – un terrain à la fois nourricier et à nourrir.
L’ère du numérique met en avant deux termes, deux exigences, deux contraintes qui peuvent se muer en opportunité. Elle les conjugue et les combine à l’envi: innover, former, (se) former pour innover, (se) former de façon innovante…
Vincent Grandjean, chancelier d’État