Bien vieillir
Enjeux et besoins

La richesse des RELATIONS entre générations

Soutenu par la politique cantonale Vieillir2030, le projet «Grands-Parents de Cœur» veut rapprocher des seniors ayant du temps et de l’affection à donner et des enfants privés de relation avec leurs grands-parents. Une initiative qui vise à resserrer le lien, si important, entre jeunes et anciennes générations.
ARC Jean-Bernard Sieber

Le petit Marc et sa maman Alexandra entourés des «grands-parents de cœur», Anne et Philippe Eckert.

ARC Jean-Bernard Sieber

Si vous avez plus de 50 ans, un peu de temps et beaucoup d’amour, «Grands-Parents de Cœur» est peut-être pour vous. Marie-Jo Marquis, coordinatrice d’Être grands-parents aujourd’hui au sein du Mouvement des Aînés Vaud, s’engage avec conviction pour ce projet. «La Croix-Rouge jurassienne avait lancé ce programme en 2018: il s’agissait de mettre en lien des trios – enfant(s) / parent(s) / senior(s) – souhaitant développer une relation sur le long terme.»

Convaincue que le lien intergénérationnel est « un bonus » pour l’enfant comme pour le senior, Marie-Jo Marquis démarre le projet vaudois en février 2020. «On a eu le temps de bâtir quelques trios et, malgré le Covid, ça a tenu et ça tient encore.»

Aujourd’hui épaulée par une petite équipe, elle gère une quinzaine de trios avec pour objectif d’en créer dix nouveaux, chaque année. Une des conditions? La proximité géographique, gage de réussite. «Pouvoir croiser son grand-parent de cœur dans la rue, de manière inopinée, c’est aussi ce que l’on souhaite.»

«Quand ça fonctionne, c’est magique»
Les familles qui se prêtent à l’expérience sont souvent expatriées: «Les grands-parents sont loin et les parents trouvent triste de priver leurs enfants de ce lien si précieux avec des aînés. Par ailleurs, c’est aussi un joli moyen de s’intégrer dans le pays, de se connecter aux coutumes, à l’Histoire…»

Car les seniors participants (plutôt de jeunes retraités autour de 65, 70 ans et majoritairement des femmes) sont installés en Suisse depuis toujours ou depuis longtemps. Si certains n’ont pas eu d’enfants, d’autres ne sont pas sans famille: «Nous avons par exemple une dame de 80 ans, déjà arrière-grand-mère, mais qui ne voit pas assez ses petits-enfants…»

Pour ces seniors, dont beaucoup ont la fibre sociale, c’est une ouverture, la possibilité d’être plus connecté avec la nouvelle génération, que ce soit à travers des visites régulières, des sorties culturelles ou des promenades. «Quand ça fonctionne, c’est magique! » s’enthousiasme Marie-Jo Marquis.

Un programme très encadré
Selon elle, si la greffe prend bien c’est que les relations intergénérationnelles relèvent vraiment de l’histoire naturelle… «Pour moi c’est comme un arbre : le senior, c’est les racines, les parents, le tronc et les enfants, les branches.» Tout un écosystème qui ne demande en somme qu’un peu d’arrosage au démarrage: la mission de Marie-Jo et de ses collègues, qui font un vrai suivi pendant un an. «Après, on ne veut surtout pas s’imposer! Mais au début, plein de questions se posent comme dans n’importe quelle relation. Si quelque chose coince, c’est souvent à cause d’un simple problème de communication.» Sa plus grande attention? La sécurité. «Nous demandons par exemple aux seniors l’extrait spécial du casier judiciaire visant à protéger les mineurs, ainsi que la signature d’un engagement éthique.»

Des seniors disponibles, mais pas à disposition
«Mais attention, les grands-parents de cœur ne sont en aucun cas des baby-sitters ! Ils sont disponibles, mais pas à disposition», prévient Marie-Jo Marquis. Si ses trios sont tous au bénéfice d’une structure de garde, elle reconnaît qu’elle reçoit beaucoup de demandes dans ce sens… Une chose est sûre: «Ici, on choisit d’être grands-parents et notre rôle est de les accompagner individuellement dans cette démarche pleine de sens». Dans les tuyaux, la mise sur pied d’une demi-journée de formation continue par an à leur attention sur des thèmes aussi divers que le développement de l’enfant ou «apprendre à dire non».

Plus d’infos:
egp@mda-vaud.ch
Tél. 021 311 13 39
etregrandsparents.ch

«Une sacrée responsabilité, qui nous apporte tellement»

Anne Eckert a bientôt 73 ans. Elle vit à Lutry avec son mari Philippe, tous deux retraités de médecine générale. S’ils voient régulièrement leurs deux enfants, adultes désormais, ils n’ont pas de petits-enfants. En février 2023, Marc, «bientôt cinq ans», est devenu leur petit-fils de cœur. Anne nous parle de cette belle aventure.

Comment avez-vous entendu parler de «Grands-Parents de Cœur»?
J’avais vu une petite annonce dans le journal du Mouvement des Aînés il y a quelques années. On en avait envie avec mon mari et puis, face aux grandes responsabilités que cela implique, nous nous étions d’abord rétractés.

Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis?
Marc, sans hésiter ! à l’époque, ce petit garçon de trois ans était vif comme tout, mais très attachant. Marie-Jo Marquis (coordinatrice de «Grands-Parents de Cœur») avait tenu à nous le présenter. Après un dîner avec sa maman Alexandra et lui, nous sommes allés tous ensemble sur une place de jeu et la magie a opéré. Nous nous sommes donc lancés dans l’aventure et avons accompli toutes les démarches nécessaires. Peu à peu, nous sommes allés le chercher à la crèche de temps en temps, et nous le gardions de 16h à 18h. Désormais, on le prend des après-midis entiers!

Pourquoi la maman de Marc a-t-elle fait appel à «Grands-Parents de Cœur»?
Alexandra est franco-italienne et travaille à 100% comme ingénieure chimiste vers Vevey. Quand nous l’avons rencontrée, elle élevait seule son petit garçon et n’avait dans la région que son père, malheureusement malade et vivant en EMS. Marc le voit d’ailleurs une fois par semaine et il adore son grand-père. Mais Alexandra avait à cœur qu’il ait d’autres contacts.

Comment fonctionne votre trio?
Le plus agréablement du monde ! Alexandra nous a tout de suite fait confiance et ne nous a jamais demandé de choses impossibles. On s’envoie des messages: parfois c’est elle qui nous demande si on peut prendre Marc un après-midi, parfois c’est nous qui proposons de l’emmener quelque part.

Que faites-vous avec Marc?
Marc aime beaucoup être dehors, nous allons souvent sur les places de jeux au bord du lac, avant d’aller manger une glace. C’est un petit garçon très curieux et nous avons aussi plaisir à l’emmener au musée. Récemment, nous sommes allés voir une exposition sur les robots à l’Espace des inventions à Lausanne et le dimanche d’après, il a insisté pour y retourner avec sa maman. Sinon, il adore le bricolage, les jeux de sept familles et… un peu de dessins animés de temps en temps que nous n’autorisons que pendant les trajets en voiture. Le coquin l’a bien compris, car il nous demande maintenant d’aller nous promener toujours de plus en plus loin… (rires).

Il a compris qui vous étiez?
Totalement. Nous sommes «Anne et Philippe», ses «grands-parents de cœur» comme il l’explique lui-même quand on lui demande. Il sait parfaitement qui est sa famille biologique.

Quelles sont les difficultés que vous avez pu rencontrer?
Encore une fois, cette grande responsabilité de s’occuper d’un petit enfant qui n’est pas le nôtre. Je me souviens de la première fois que nous sommes allés le chercher à la crèche et qu’il a failli tomber dans les escaliers. Mon mari s’est précipité et l’a retenu à temps : cela nous a fait mesurer l’ampleur de notre mission. Mais maintenant qu’il a grandi, les choses sont plus faciles, on doit moins lui courir après.

Qu’en retirez-vous?
Marc nous apporte beaucoup de bonne humeur et de dynamisme, on s’est évidemment beaucoup attaché à lui. C’est un petit garçon spécialement éveillé et qui parle très bien. Il est très gentil avec nous et nous aime bien. Il y a quelques jours, il nous a demandé qu’on lui rapporte de notre voyage un éventail. Mais, un «éventail pour tuer les oiseaux»: il pensait bien entendu aux épouvantails car il a envie d’être chasseur… (rires) bref, oui, c’est une sacrée responsabilité, mais qui nous apporte tellement!