La formation à l'ère numérique
Supplément de la Feuille des avis officiels no 71 du 4 septembre 2018 Spécial économie vaudoise

Santé: pas à tout prix!

Dans le domaine de la santé, l’innovation technologique avance à la vitesse grand V depuis 50 ans et occupe une place toujours plus importante. L’un des défis consiste à trouver le bon équilibre entre la technologie et les relations entre soignants et patients, qui doivent rester prioritaires.
HESAV

La Haute École de Santé Vaud a acquis pour la formation des sages-femmes, un robot mannequin qui accouche d’un bébé robot, avec monitoring des contractions de la maman et de la respiration du bébé inclus.

HESAV

HESAV, la Haute École de santé Vaud, réunit plus de 1000 étudiants qui se destinent aux professions d’infirmier, de physiothérapeute, d’ergothérapeute, de sage-femme, de technicien en radiologie médicale. Son équipe pédagogique est formée d’une centaine d’enseignants. Ici aussi, on n’a pas attendu le plan stratégique pour se mettre aux nouvelles technologies, ni pour se poser des questions essentielles autour de la place de l’humain dans un univers toujours plus high tech.

La Haute École utilise notamment la plate-forme d’enseignement Moodle, une plate-forme d’apprentissage et en même temps un outil d’e-learning qui permet aux professeurs de proposer des supports de cours en ligne. Les étudiants y trouvent également des MOOCs et des cours en ligne qui complètent leur formation. HESAV recourt aussi à des outils de gestion académique qui permettent le suivi de l’étudiant tout au long de son cursus.

Robot mannequin accoucheur

Les nouvelles technologies sont intégrées dans les cours par le biais de la simulation, qui représente 15% de l’enseignement et qui est particulièrement appréciée des étudiants. «Cela va des outils simples comme un bras sur lequel on s’exerce à piquer jusqu’à des mannequins haute fidélité très sophistiqués qui peuvent simuler toute situation physiopathologique tels qu’un arrêt cardiaque, des problèmes neurologiques ou respiratoires, en fait tout ce qu’il est possible de simuler», souligne Patrick Van Gele, doyen de la filière Soins infirmiers à HESAV. La dernière acquisition de l’école est un robot mannequin qui accouche d’un bébé robot, avec monitoring des contractions de la maman et de la respiration du bébé inclus. Il est utilisé dans la formation des sages-femmes en vue d’accouchements du type présentation par le siège, avec utilisation de forceps. 

On peut aussi citer l’utilisation des multimédias dans le cadre de la formation avec des patients standardisés, un jeu de rôle dans lequel un faux malade est  formé à simuler l’histoire d’un vrai patient. Les interactions entre les soignants et les soignés sont filmées et analysées. Les étudiants peuvent également recourir à des Serious game, ou jeu sérieux, dans lequel ils suivent un patient atteint d’un cancer à qui il faut annoncer une mauvaise nouvelle. 

«Google ne répond pas à tout!»

«Toutes ces avancées technologiques posent une question de fond à laquelle il faut répondre», souligne le doyen de HESAV. «Qu’est-ce que ça veut dire un bon infirmier d’aujourd’hui? Est-ce seulement un bon technologue? Les nouvelles technologies doivent rester des outils et non un but en soi! Il faut réfléchir à leur utilisation, que les professeurs soient formés et que les étudiants, qui croient tout maîtriser avec les nouvelles technologies, en comprennent les limites. Google ne répond pas à tout! Je ne peux qu’insister sur la place de l’humain là-dedans. La déshumanisation de la médecine avance à grands pas. Quand un médecin ou un soignant passe une heure avec un patient, il passe ensuite deux heures devant son ordinateur! Il faut un juste dosage entre l’innovation et l’humain avec un accent mis sur l’aspect éthique de l’utilisation de l’information, comme par exemple dans le cas du dossier numérisé du patient.»

Patrick Van Gele précise que le virage numérique ne doit pas se prendre coûte que coûte. «Il ne faut pas aller dans l’ubérisation de la formation. Nos futurs professionnels doivent être armés pour avoir de bonnes informations. Concrètement, cela signifie qu’il faut viser le bon dosage, mettre de l’harmonie dans la chorégraphie de l’apprentissage, de manière à ce que les étudiants deviennent des agents éclairés qui savent prendre les bonnes décisions et des humanistes. La communication entre patients et soignants doit primer sur la technologie. Cet aspect-là est très important. Il s’agit d’être conscients des enjeux  et de trouver le juste milieu. Il ne faut pas oublier que la majorité de la population est âgée et ne sait pas ce qu’est un ordinateur».