Industrie
LES NOUVELLES RÈGLES DU JEU

Le défi du siècle pour les ACTEURS de l’industrie

Dollar faible, taxes douanières massives: comment notre industrie manufacturière peut-elle s’en sortir? Les réponses du secrétaire général du Groupement de l’industrie des machines (GIM), Emilio Lado.
Emilio Lado, secrétaire général du Groupement suisse de l’industrie des machines (GIM): «Si plusieurs usines font les mêmes pièces que vous en Inde, il y a du souci à se faire!»

Emilio Lado, secrétaire général du Groupement suisse de l’industrie des machines (GIM): «Si plusieurs usines font les mêmes pièces que vous en Inde, il y a du souci à se faire!»

Cent septante-cinq entreprises sont membres de la section vaudoise du Groupement suisse de l’industrie des machines (GIM) et l’heure n’est pas forcément à la fête dans ce secteur. Mais, selon le secrétaire général Emilio Lado, la branche a en main les cartes pour défendre sa place sur la scène souvent mondiale sur laquelle elle se distingue. «En simplifiant à l’extrême, nous avons deux sortes d’affiliés. Ceux qui souffrent le plus de la situation actuelle sont les membres qui ne peuvent pas s’adapter aux changements géopolitiques, quand ils sont aussi soudains que ceux vécus cette année; car externaliser en urgence sa production dans un autre pays parce que des taxes sont introduites n’est pas donné à tout le monde. Les plus grands possèdent parfois cette souplesse et cette puissance de "jouer" avec les contraintes internationales qui peuvent changer du jour au lendemain; mais pour des PME plutôt petites, ce n’est vraiment pas évident».

Selon le spécialiste du domaine, il n’y a pas 50 recettes: «Les entreprises suisses qui produisent sur notre sol doivent absolument augmenter la valeur de leurs produits pour les rendre indispensables. Avec la dévalorisation du dollar et l’introduction des nouvelles taxes douanières aux États-Unis, celles qui sont sur le marché américain n’ont pas d’autre choix que de réduire leurs coûts – ce qui passe par l’amélioration de la productivité et l’automatisation».

En clair, cela signifie qu’il faut se profiler dans les secteurs de niche à très haute valeur ajoutée. Emilio Lado: «C’est le lot de notre pays. L’enjeu est de se positionner dans un segment où l’on ne parle plus du prix, mais de capacité de production dans les délais, et d’un niveau qualitatif que personne d’autre ne propose ailleurs dans le monde. C’est un peu dur de le dire comme cela, mais dans l’industrie manufacturière, c’est la clé. Si plusieurs usines font les mêmes pièces que vous en Inde ou en Chine, il y a du souci à se faire pour la pérennité de votre activité».

Miser sur son ADN: qualité et fiabilité
Le représentant du GIM ne voit pas cela comme une fatalité, plutôt comme une composante qui fait le succès de l’industrie au drapeau rouge à croix blanche. «Comme on ne peut pas se différencier sur le prix, il faut s’appuyer sur ce qui fait notre réputation: la qualité, la recherche et le développement, le tout amenant par définition l’innovation. Elle permet de rester toujours à la pointe».

Reste à convaincre la relève d’embrasser ces métiers. «L’attrait pour nos professions comme pour l’artisanat s’est érodé au fil du temps. Les jeunes ont longtemps préféré se tourner vers les services. On sent toutefois un retour en force dans le canton. Nous venons d’effectuer la meilleure rentrée d’apprentis des cinq dernières années. Il est encore un peu tôt pour tirer un bilan définitif, mais les jeunes redécouvrent qu’ils peuvent trouver un sens dans leur travail en rejoignant l’industrie, où il est possible d’être acteur de la décarbonisation, par exemple. Les technologies qui se développent peuvent les inspirer et remettre nos professions dans la lumière».

Une industrie qui, selon Emilio Lado, voit d’un très bon œil l’éventail des appuis proposés par l’État, d’autant que l’approche est pragmatique. «Le Canton a développé avec Innovaud un guichet centralisé qui regroupe un large spectre. Cela va de l’aide à la certification jusqu’aux renseignements utiles, et un soutien pour exposer dans un salon à l’étranger, ou protéger un brevet. Tout est pensé pour soutenir l’innovation et, au contraire d’un arrosage inutile, l’État applique une politique incitative et subsidiaire qui fonctionne bien aujourd’hui, dans le but essentiel de préserver les emplois et le savoir-faire, un bien précieux pour notre bonne santé économique».