Réduire l’utilisation de produits phytosanitaires en ciblant les plantes à traiter: voilà le pari d’Ecorobotix, entreprise d’agrotechnologie établie à Yverdon. À l’aide d’un pulvérisateur à haute précision et d’un logiciel capable de repérer les mauvaises herbes à éliminer, la société promet jusqu’à 95% de réduction par rapport à la méthode conventionnelle.
Ecorobotix trouve ses origines dans le constat d’un recours disproportionné à la chimie. «Mon cofondateur Steve Tanner a grandi dans une ferme du Nord vaudois, raconte Aurélien Demaurex. Après des études à l’EPFL, il s’est mis à réfléchir à un moyen de désherber de manière aussi précise qu’un arrachage à la main. Aujourd’hui, la méthode la plus répandue est d’utiliser des herbicides sélectifs, qui éliminent tout sauf la plante que l’on veut faire pousser. Cela conduit à un gaspillage, puisque tout le champ est aspergé.»
Quelques années plus tard, sa rencontre avec Aurélien Demaurex concrétise ses idées. «On a commencé sérieusement en 2014 en créant un robot de pulvérisation autonome.» En 2020, Ecorobotix sort un pulvérisateur à atteler au tracteur, solution plus appréciée par les agriculteurs. «L’intelligence artificielle embarquée analyse le terrain et actionne les buses uniquement lorsque c’est nécessaire.»
S’adapter au terrain
Pour entraîner leur modèle d’IA à reconnaître les plantes à éliminer, celui-ci a été nourri avec une quantité gargantuesque de visuels. «Notre base de données contient des informations d’une grande diversité, avec des images du monde entier.» Le pulvérisateur doit en effet s’adapter au contexte géographique. «Si l’on se penche sur l’exemple du maïs, différentes variétés sont cultivées selon les régions.
Et c’est une autre sorte de mauvaises herbes qui prolifère dans ces maïs qui ne sont pas ceux de chez nous», ce qui implique de faire du sur-mesure. Ecorobotix doit dès lors étoffer sa base de données afin de proposer, à l’avenir, les traitements qui ne sont pas encore pris en charge par son IA.
Terre d’innovation
Si la description d’Ecorobotix fait penser aux start-ups de la Silicon Valley, c’est bien à Yverdon que la société a grandi. «Il y a un fort attachement à la région, car la ferme de Steve Tanner se trouve non loin d’ici, et c’est chez lui qu’ont été construits les premiers robots», se souvient Aurélien Demaurex. L’entreprise a également su tirer parti des différents encouragements proposés par le Canton. «Nous avons été très bien soutenus, que ce soit via le SPEI (Service de la promotion de l’économie et de l’innovation) ou par des organismes tels qu’Innovaud et la FIT (Fondation pour l’Innovation et la Technologie, financée par l’État ainsi que des acteurs privés).»
Bien qu’Ecorobotix compte maintenir sa présence en Suisse, il est temps de voir plus loin, à l’heure où la demande se développe à l’étranger. «Notre technologie est très rentable pour de grandes surfaces traitées, comme on en trouve en Amérique du Nord par exemple. Dans ce cas précis, il y a peu de sens à assembler en Suisse pour exporter ensuite», estime Aurélien Demaurex. Cela n’a pas empêché Ecorobotix de mettre récemment en service une usine à Ballaigues. «C’est là qu’on produit pour le monde entier. À terme, elle se concentrera surtout sur le marché suisse et européen et aura le rôle de backup en cas de problème ailleurs. On y testera aussi les lignes d’assemblage pour les nouveaux modèles avant de les confier à nos partenaires.»
Tout porte à croire que la croissance d’Ecorobotix est sans fin, puisque l’entreprise vient d’annoncer une levée de fonds de 150 millions de dollars, preuve de la confiance en sa technologie et son approche.


