La Mobilité
Enjeu majeur du futur

« À bicyclette… »

À travers sa Stratégie cantonale de la promotion du vélo, le Conseil d’État dit clairement vouloir lui donner une place centrale dans la mobilité de demain. Et il s’en donne les moyens. À terme, ce ne sont pas moins de 1000 kilomètres de pistes cyclables, dont 500 kilomètres à l’horizon 2035, qu’il vise à aménager sur les routes et dans les localités du canton, en collaboration avec les communes.
ARC Jean-Bernard Sieber

Pour créer des conditions propices à la pratique du vélo, la stratégie cantonale vise la création d’un réseau cyclable fait d’itinéraires continus, attractifs et si possible séparés du trafic, voire des piétons en agglomération.

ARC Jean-Bernard Sieber

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Zoé Dardel, responsable de l’Unité vélo de la Direction générale de la mobilité et des routes et ses collègues : « Nous visons 500 kilomètres de pistes cyclables en 2035. »

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Longtemps boudée dans les rues pentues de la capitale vaudoise, la petite reine a fait son grand retour auprès du grand public il y a quelques années déjà. Et si les plus expérimentés des cyclistes se déplacent avec aisance à travers les villes et les villages, la Stratégie vélo du Canton de Vaud vise surtout celles et ceux, moins rompus aux déplacements à vélo, qui se lanceraient bien sur les grandes et petites routes des campagnes. « Même si cet engouement est réel et réjouissant, une part encore importante de la population vaudoise utilise le vélo pour ses loisirs, mais pas pour ses déplacements quotidiens », constate Zoé Dardel, responsable de l’Unité vélo de la DGMR. « Notre ambition et notre objectif sont d’augmenter cette proportion à 10 % au moins à l’horizon 2035, contre 2,2 % en 2015 – ce qui amènerait le canton de Vaud au niveau du canton de Berne. Face à l’urgence climatique, le but premier est vraiment de permettre au plus grand nombre d’utiliser la bicyclette sur les petits trajets, voire sur des distances plus longues grâce au vélo électrique. » 

Pour Zoé Dardel, l’enjeu est également territorial. Car si le vélo a fait son chemin dans les villes (surtout les moins pentues), il doit encore gagner du terrain dans les campagnes : « Jusqu’ici, on considérait l’emploi du vélo sur des trajets relativement courts (environ trois kilomètres) ; désormais, grâce à ceux qui bénéficient d’une assistance électrique et une capacité de transporter des charges plus lourdes, on peut parcourir facilement des distances de cinq à dix kilomètres. » 

Mais malgré les avancées technologiques et la vente grandissante de vélos électriques, les habitudes de déplacement et les pratiques quotidiennes sont guidées par des mécanismes décisionnels complexes. « Vouloir les influencer demande une action à différents niveaux, souligne Zoé Dardel. Et pour créer des conditions globalement propices à la pratique du vélo, il faut agir aussi bien sur l’humain, ses perceptions et ses compétences, que sur les infrastructures, en rendant le territoire propice à son usage. » 

Fort de ce constat, le Canton de Vaud a mis sur pied une stratégie qui repose sur trois axes. Le premier est d’assurer la promotion du vélo – « Il faut absolument soutenir ce changement culturel profond et faire de sa pratique un réflexe ». Parallèlement, il s’agit d’assurer le développement sur l’ensemble du canton d’infrastructures et d’aménagements favorisant la pratique du vélo et, enfin, de mettre à disposition les moyens nécessaires à la mise en œuvre d’une politique proactive et coordonnée.

La priorité: rouler en sécurité 

Le point fort de la stratégie vaudoise est sans conteste la création d’espaces propices à la pratique du vélo. À savoir un réseau cyclable composé d’itinéraires continus, attractifs et, si possible séparés du trafic, pour permettre, aussi aux cyclistes moins à l’aise dans la circulation, de se sentir en sécurité. Comme le souligne Zoé Dardel, l’action cantonale se concentre sur les itinéraires qui peuvent être fréquentés par un grand nombre de cyclistes moyennant des infrastructures adaptées : « Nous mettons la priorité sur ce réseau que nous appelons «structurant» qui vise à relier les pôles d’importance – ceux qui regroupent dans un rayon d’environ cinq kilomètres de l’habitat ou de l’emploi, des centres de formation, des lieux touristiques, des gares ou des interfaces de transport. » Car l’un des axes stratégiques est de considérer le vélo comme un mode de déplacement en tant quel, mais aussi en complément avec d’autres modes, principalement les transports publics.

« La combinaison entre le train et le vélo fonctionne très bien et s’intègre dans la stratégie de rabattage, qui consiste à attirer les automobilistes – en l’occurrence, ils substituent de plus en plus leur auto au vélo – vers les gares les plus proches pour ensuite gagner des destinations plus lointaines. »

La définition d’un « réseau utilitaire complémentaire » et la révision du « réseau de loisir » SuisseMobile viendront compléter le dispositif au niveau cantonal.  

Vélos des villes, vélos des champs

Concrètement, à quoi va ressembler ce « réseau structurant » ? « Sur les voies cyclables, les standards d’équipement dépendent des volumes de trafic et des limitations de vitesse, mais ils viseront une protection optimale des cyclistes, détaille Zoé Dardel. En principe grâce à des aménagements si possible séparés du trafic motorisé, en particulier en dehors des localités, et, si nécessaire, des piétons. » Et lorsqu’aucun aménagement cyclable ne sera possible – pour des raisons techniques, de manque d’espace ou de coût – une diminution des vitesses de circulation pourra être envisagée en fonction des marges de manœuvre données par la loi. 

Qu’ils se situent le long des routes ou dans les carrefours, les aménagements seront conçus de manière sécurisée pour tous les cyclistes, quel que soit leur âge. Ils seront également confortables et engageants grâce à un revêtement adapté aux besoins, praticables toute l’année, si nécessaire éclairés et à l’écart des nuisances. Les places de stationnement ne seront pas oubliées et la largeur des pistes devra également être adaptée pour permettre les dépassements : « Pas partout, mais en tous cas dans les endroits où beaucoup de cyclistes roulent à des vitesses très variées. Le premier projet prévoyant cette possibilité est en cours d’élaboration sur la route du lac ». 

Comme le précise encore Zoé Dardel, les aménagements peuvent aussi différer selon l’environnement : « À la ville ou à la campagne, les enjeux ne sont pas forcément les mêmes. Par exemple, en milieu urbain, il faudra plus systématiquement séparer les cyclistes des piétons vu leur nombre et la différence de vitesse. » 

Partenaires incontournables

À terme, ce ne sont pas moins de 1000 kilomètres de pistes cyclables qui seront ainsi aménagées sur les routes et dans les localités du canton de Vaud. « Nous visons déjà 500 kilomètres à l’horizon 2035, un objectif ambitieux au vu de la temporalité des projets », indique Zoé Dardel.

Pour assurer la continuité et la cohérence du réseau cyclable – « qui est l’une des spécificités de la stratégie vélo ainsi qu’une exigence de la nouvelle loi fédérale sur les voies cyclables » –, les régions et les communes jouent un rôle essentiel. Comme le souligne la responsable de l’Unité vélo, leur action est aussi indispensable que complémentaire. Le Canton prévoit de les soutenir en leur assurant notamment un appui technique et financier pour la conduite d’études régionales qui débuteront cette année, ou encore pour la construction et l’entretien d’aménagements cyclables du réseau cantonal structurant, situés sur des routes cantonales en traversée de localité, des routes communales ou des chemins agricoles.

Avec des moyens à la hauteur de ses ambitions, le Conseil d’État a soumis en 2022 au Grand Conseil deux crédits d’un montant total de près de 42 millions pour un premier volet de mise en œuvre de sa stratégie vélo. À terme, au moins 300 millions de francs seront nécessaires à l’aménagement du réseau cyclable cantonal.