Un panorama historique, fonctionnel, témoin de l’ingéniosité humaine face à la nature. «Le canton de Vaud fourmille de murs de vignes», assure Vincent Bailly, gestionnaire du domaine «Lavaux, vignoble en terrasse» et directeur de l’association Lavaux Patrimoine mondial (LPm). «Certains murs requièrent une protection moins directe que ceux de Lavaux, où ils représentent un véritable outil pour l’exploitation en pente.»
Inscrit dans l’inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels d’importance nationale (IFP) depuis 1977, le célèbre vignoble a rejoint la liste UNESCO en 2007. Une reconnaissance qui repose en partie sur le patrimoine bâti, constitué par 450 km de murs de vigne et 10’000 terrasses. Au cœur de l’exploitation viticole, Lavaux est également au centre de discussions quant aux nombreux enjeux de sa préservation. Parmi les préoccupations, la conservation des murs de vigne, piliers constitutifs du paysage historique.
«Dans le cadre de la 3e initiative «Sauvez Lavaux», le Conseil d’État vaudois a déposé un contre-projet en 2014. Parmi les propositions figurait l’élaboration d’un plan d’affectation cantonal (PAC Lavaux) devant concrétiser la loi Lavaux (LLavaux) dans les territoires hors zone à bâtir. Dix ans de travaux ont été nécessaires pour permettre au Grand Conseil d’entamer les premiers débats, ce printemps», explique Vincent Bailly.
Porté par le Conseil d’État, la Direction générale du territoire et du logement (DGTL), les dix communes territoriales et autres entités concernées, le PAC Lavaux vise principalement à régler les usages du sol et à définir les éléments qui doivent être protégés, tels que les murs de vignes par exemple. Un projet délicat, qui doit concilier des besoins et des intérêts parfois antagonistes dans un périmètre très surveillé.
Les murs de vignes, «une charge phénoménale»
Les murs de vignes se placent parmi les préoccupations. Le directeur de LPm souligne que leur entretien régulier représente une «charge phénoménale» pour les vignerons de Lavaux qui en sont responsables. «Les murs perpendiculaires aux courbes de niveau – appelés épondes – séparent les parcelles en terrasses et rendent l’accès et le travail complexe et pénible. À ces conditions difficiles s’ajoutent celles résultant des enjeux climatiques, intensifiées ces dernières années, qui fragilisent le réseau de murs et provoquent des chutes plus fréquentes. La possible destruction de certaines de ces épondes est prévue dans le règlement du PAC», précise-t-il.
Ce plan permettrait d’accroître la taille des parcelles pour faciliter l’activité des vignerons. En revanche, en tant qu’élément central dans les inscriptions du domaine à l’Inventaire fédéral des paysages et par l’UNESCO, l’autorisation de démolir certains murs de vigne pourrait ainsi menacer la valeur patrimoniale du site. «Les murs doivent être conservés, dans le respect des savoir-faire qui ont permis d’édifier le vignoble en terrasses de Lavaux», insiste Vincent Bailly. Tout en concédant que «si l’entretien à tout prix de ce réseau de murs menace directement la rentabilité et donc l’existence même de la viticulture, alors la préservation du patrimoine construit entre en conflit direct avec la protection du patrimoine humain, lui aussi reconnu».
En vue d’une validation possible du PAC Lavaux, le gestionnaire du site mentionne que «la mission du PAC est donc de trouver l’équilibre nécessaire entre une exploitation durable et rentable, ainsi que le maintien du patrimoine bâti pour préserver l’identité de Lavaux. Pour ce faire, il faut avoir une lecture fine de la portée patrimoniale de chaque mur, afin de discerner ceux qui contribuent à ce réseau historique et ceux qui ont cessé d’avoir cette fonction et qui pourraient être supprimés». En somme, établir un « mode d’emploi » qui permettrait d’éviter, selon lui, de «fragiliser l’intégrité structurelle du vignoble et d’altérer son importance patrimoniale».