Sport et santé
ont partie liée

Le sport : le meilleur des MÉDICAMENTS

Au CHUV, les consultations du Centre de médecine du Sport (CMS) reçoivent tous les jours des sportifs, qu’ils soient amateurs, d’élite ou simples sédentaires désireux de se remettre en mouvement. Le Dr Mathieu Saubade nous parle avec passion du sport et de ses bienfaits, encore trop méconnus de la médecine.
ARC Jean-Bernard Sieber

Le Dr Mathieu Saubade, dans son cabinet de consultation au Centre de médecine du Sport du CHUV.

ARC Jean-Bernard Sieber

Kay Abrahams/peopleimages.com

L’un des rôles du Centre de médecine du sport est de guider et d’aider les personnes qui souhaitent reprendre une pratique sportive après 40 ans, en vérifiant s’il y a des limitations articulaires ou musculaires.

Kay Abrahams/peopleimages.com

Chinnapong

Bien manger (une alimentation riche en fibres, mais pauvre en sucres synthétiques et en acides gras polyinsaturés) peut motiver à bouger.

Chinnapong

ARC Jean-Bernard Sieber
Kay Abrahams/peopleimages.com
Chinnapong

Au deuxième étage de l’hôpital orthopédique, le Centre de médecine du sport (CMS) reçoit tout le monde ou presque. Tout au long de la semaine, les consultations sont ouvertes à celles et ceux qui souffrent de blessures ou de douleurs liées à une pratique du sport, mais aussi aux personnes qui aimeraient bien s‘y mettre, mais ne savent pas trop comment ; à celles qui craignent de s’y remettre ; ou, simplement, aux sédentaires de longue date qui manquent de motivation pour se bouger. 

 

Si le centre existe depuis 1997, il s’est étoffé au fil des années. L’équipe compte désormais seize personnes, dont notamment huit médecins, un spécialiste en science du sport, deux bottiers orthopédistes et biomécaniciens du mouvement et deux podologues. Il est également équipé d’une salle d’entraînement truffée d’une multitude d’appareils électroniques pour mesurer les résultats des tests d’endurance ou de force. « Nous avons ouvert, il y a quelques années déjà, deux consultations spécialisées, explique Mathieu Saubade. Si la première est dédiée au check-up précédant la reprise d’un sport, la seconde est axée sur le conseil, la planification et la pratique progressive d’une activité physique régulière et adaptée. Et il est surtout important de souligner que cet accompagnement et ouvert à tout un chacun. Tout est remboursé, sauf les tests d’effort à visée de performance. » 

 

Lui-même sportif accompli – « dans des disciplines très variées, mais pratiquées de façon très régulière et modérée » – Mathieu Saubade ne cache pas que sa manière de faire du sport correspond également à sa philosophie médicale : « La promotion de l’activité physique est vraiment ancrée en moi. Il faut faire en sorte d’utiliser l’activité physique comme un moyen d’être en bonne santé, tout simplement. Elle peut être aussi utile pour le traitement de maladies. Dans notre jargon, on appelle cela une thérapie non médicamenteuse. »

 

Le sport : un seul médicament pour une quarantaine de pathologies

Études scientifiques à l’appui, Mathieu Saubade tient surtout à souligner combien l’activité physique, au-delà d’une hygiène de vie, peut agir directement sur les maladies : elle a un impact sur plus de quarante pathologies chroniques non transmissibles. Comme, typiquement, des maladies cardiovasculaires, le diabète et le cancer, pour ce qui est des plus sévères, mais aussi l’ostéoporose et les maladies neurologiques comme celle d’Alzheimer « pour n’en citer que quelques-unes… En fait, cela touche l’ensemble des maladies chroniques. Mais pour que cela agisse, l’activité physique doit être régulière et pratiquée sur le long terme. Selon l’Organisation mondiale de la santé, la « dose de base » recommandée est de trente minutes par jour en étant légèrement essoufflé. »

 

Et cet effort minimum va influer sur quasiment tous les systèmes du corps : « En choisissant un large spectre de mouvements physiques, cela va agir sur le système vasculaire, sur la régulation de certaines hormones, sur la santé cérébrale, les os ou encore les muscles. Sans parler des effets dominos : en travaillant le cardio, on peut perdre du poids, ce qui aura des conséquences positives sur tout un ensemble d’organes ou sur les articulations, par exemple. Comme si on avait pris un seul médicament qui va agir sur une multitude de systèmes. » Et si l’activité physique est un facteur primordial de la prévention primaire, on sait moins qu’elle l’est également en prévention secondaire et tertiaire, à savoir quand la maladie est déjà déclarée. « En cas d’un infarctus, l’activité physique, même si on n’en faisait pas avant, va permettre de limiter le risque de complications, voire les récidives. Pareil pour ce qui est du diabète et une foule d’autres maladies comme certains cancers. » 

 

Diminuer les risques de cancer

Même si cela fait maintenant des années que les études ont montré les effets préventifs du sport sur le cancer, notamment celui du sein et du côlon, cela reste encore trop largement méconnu : « Aucun médicament préventif ne peut empêcher un cancer. Or en pratiquant une activité physique doublée d’une alimentation saine, on diminue de plus de 25% les risques de cancer ; et entre 20 et 40% les risques de récidive, sans parler des effets positifs sur la qualité de vie. En dose régulière, le sport est l’un des meilleurs médicaments existants, aucun traitement pharmacologique ne permettant de tels résultats. Mais malheureusement, la plupart des gens ignorent à quel point l’activité physique diminue le risque de cancer.

 

Conscient des limites budgétaires, mais plein de passion pour son métier et sa pratique médicale, Mathieu Saubade se plaît à imaginer un système idéal dans lequel les patients malades d’un cancer (ou de toute autre pathologie) pourraient bénéficier de l’appui et de l’accompagnement de physiothérapeutes ou de coachs sportifs : « Il faudrait quelqu’un qui les motive et adapte un programme en fonction de leur condition personnelle et leur état de santé.

Par exemple, j’ai établi des plans d’entraînement sur mesure pour des personnes à différentes étapes de leur cancer, grâce à quoi elles ont pu surmonter d’énormes fatigues et certains effets secondaires des thérapies. Un simple vélo d’appartement peut souvent suffire à faire des miracles pour le bien-être des patients. » 

 

L’art de bien vieillir

Au-delà des pathologies graves, l’activité physique est également essentielle dans l’art de bien vieillir : « À tout moment de sa vie, des premiers mois à la mort, il est utile et nécessaire de bouger si on veut vieillir en bonne santé. On n’insistera jamais assez ! » répète Mathieu Saubade, qui suit des patients âgés de plus de cent ans, mais qui a aussi pu l’observer au sein de sa propre famille. À titre d’exemple, il mentionne le cas de sa grand-mère : « Elle avait de l’hypertension qui avait nécessité une opération. Même si elle était plutôt sédentaire, j’ai réussi à la mettre sur un vélo. Tous les jours, dans son appartement, elle a pédalé le temps qu’il fallait, se ménageant ainsi une meilleure qualité de vie malgré ses problèmes de santé : elle a même pu diminuer sa prise de médicaments. Idem pour mon grand-père qui, lui, pédalait sur la route. Rester toujours actif, d’une manière ou d’une autre, j’en suis persuadé, nous permet de vieillir longtemps et plutôt en bonne santé. Malgré les événements de vie. »

 

Savoir bien bouger

Si tout le monde sait qu’il est primordial de bouger son corps, peu savent comment s’y prendre parce qu’ils n’en ont jamais fait. D’autres, passé la quarantaine, veulent s’y remettre. « Comme quelqu’un qui voudrait se lancer dans les 20 kilomètres de Lausanne… C’est bien, mais pas sans danger non plus. Surtout s’il s’agit d’un réveil tardif. Une mauvaise préparation peut se traduire par un risque de blessure traumatique (entorse de cheville ou du genou), une lésion de surcharge (tendinite ou fracture de fatigue). L’un des rôles du Centre de médecine du sport est précisément de fixer un cadre pour guider et aider ces personnes. Mais tout d’abord, il faut dresser un bilan de santé qui va être analysé au niveau cardiaque, sanguin, pulmonaire et abdominal. Il va également montrer s’il y a des limitations articulaires ou musculaires. Pour affiner ces données, on peut proposer un test d’effort à partir duquel on va établir un programme d’entraînement personnalisé en fonction, justement, de son rythme cardiaque, de son souffle et de différents autres paramètres. Il est adapté en fonction des capacités de chacun, l’idée étant d’accompagner les gens pour qu’ils prennent du plaisir sans mettre en danger leur santé. Bien au contraire ! »

 

L’alimentation et la magie du microbiote

On l’a vu, le sport est primordial. Il ne faut pas pour autant oublier la gestion du stress (sommeil, hygiène de vie, etc.) et l’alimentation : les deux autres éléments clés d’une bonne santé. Et si l’on s’en tient à la nourriture, on sait qu’une bonne alimentation comprend une dose équilibrée de calories et de bonnes sources de protéines, d’oligoéléments, de glucides et de lipides. « Les dernières recherches sur le microbiote intestinal sont passionnantes, s’enthousiasme Mathieu Saubade. On sait maintenant qu’une alimentation saine va permettre de sélectionner les bonnes souches de microbiote qui, elles-mêmes, vont sécréter des molécules qui vont faire en sorte, entre autres, que notre cerveau fonctionne bien. De même, une récente étude publiée dans la revue Nature établit le lien entre le microbiote et la motivation à l’activité physique. Pour faire simple, des souches particulières du microbiote intestinal vont stimuler en cascade certaines zones du cerveau qui touchent au système de la motivation et de la récompense. Donc, en mangeant bien, on peut être mieux motivé pour bouger. » 

 

Reste à savoir ce que « bien manger » veut dire : « C’est une alimentation riche en fibres, mais pauvre en sucres synthétiques et en acides gras polyinsaturés. C’est typiquement le régime méditerranéen, composé essentiellement de fruits, de légumes, d’huile d’olive, de poissons et de viande blanche. À l’inverse, il faut éviter le sucre, les grignotages et limiter les aliments transformés par l’industrie. Donc, autant que possible, cuisiner soi-même, en respectant le rythme des saisons et, si possible, en privilégiant les produits de l’agriculture biologique. Si on respecte déjà ces règles, et qu’on rajoute plein de couleurs (ces aliments riches en antioxydants) dans son assiette, cela suffit déjà pour avoir une bonne base. » Pour le Dr Saubade, ce type de régime couvre l’immense majorité des besoins nécessaires à l’activité physique, même ceux des sportifs d’élite. « À qui on limite, si possible, les compléments alimentaires, mais plutôt de veiller sur le minutage : quand manger quoi. » 

 

Pour résumer ? La base est de bien manger, bien bouger et bien dormir : « À partir de là, on peut accomplir plein de choses, s’amuser et… se permettre des écarts, aussi ! », conclut, optimiste, Mathieu Saubade.