Responsable du Programme Smart City chez Swisscom, passionné par l’utilisation des technologies digitales pour améliorer la qualité de vie et permettre une croissance économique durable, Raphaël Rollier est l’expert en digitalisation mandaté par le SPECO. Pour lui, la numérisation, «c’est l’utilisation des nouvelles technologies permettant à l’entreprise d’améliorer les processus et l’expérience du client. C’est créer un nouveau modèle d’affaires, à l’image de Airbnb».
Des exemples ? Dans le domaine du commerce de détail, les clients comparent les prix sur internet avant de se rendre dans le magasin X ou Y pour acheter un téléviseur. On peut déjà essayer ses lunettes ou ses vêtements virtuellement. Avec internet, les entreprises connaissent aussi mieux leurs clients. «Les informations collectées par les deux géants suisses du commerce de détail leur permettent de mieux les cerner et en temps réel. Elles peuvent donc continuer à leur proposer des objets relatifs au produit, comme des objectifs ou des flashes pour ceux qui viennent d’acquérir un appareil photo.»
Valeur ajoutée
Comme la digitalisation nous permet de commander en ligne, confortablement installé dans notre canapé, les entreprises doivent améliorer l’expérience client des personnes qui viennent dans leur magasin. «Il faut une valeur ajoutée dans le magasin et offrir une expérience au client, comme organiser des événements autour d’un produit, des démonstrations de professionnels ou des échanges d’expériences entre communautés d’utilisateurs.»
La numérisation modifie également la manière de consommer: «Demain, on vendra beaucoup moins de produits, mais plus de services. La conséquence, c’est que les entreprises doivent remettre en question la manière dont elles travaillent et la manière dont elles mesurent leur performance», constate Raphaël Rollier. Pourquoi, par exemple, investir des milliers de francs dans une voiture si on peut, à la demande, en avoir une à disposition pour quelques francs par jour, que vous pouvez récupérer devant chez vous et déposer où vous le souhaitez ?
L’éducation, enjeu majeur
Pour l’expert, l’enjeu majeur de la digitalisation des entreprises, en Suisse et en Europe, réside dans l’éducation. «À l’heure actuelle, selon une étude de l’Union européenne, 47% de la population n’a pas les connaissances suffisantes en digital pour occuper des postes où, de plus en plus, il faudra savoir interagir avec une machine. La Suisse possède de nombreux atouts dans la robotique, mais il faudra accroître les compétences dans le digital. Il faut également apprendre à coder dès le plus jeune âge, afin d’intégrer la logique informatique et plus seulement maîtriser les outils de bureautique comme Word et Excel.»
L’une des craintes les plus souvent associées à la numérisation de la société, c’est l’impact sur les emplois. Les exemples, là aussi, se multiplient. Le fait de pouvoir scanner soi-même ses achats implique une diminution des emplois de caissières. Les plateformes Airbnb ou Uber provoquent l’ire des chauffeurs de taxi et des hôteliers qui voient leur chiffre d’affaires baisser. Alors, la digitalisation va-t-elle impliquer une perte massive de certaines catégories d’emplois ? L’expert relativise. «Ce n’est pas si simple. La digitalisation de la société va entraîner la disparition de certains métiers, mais va en créer d’autres, avec peut-être plus de valeur ajoutée. De nouvelles opportunités vont venir – on peut déjà observer une croissance dans le domaine de la logistique –, mais le digital sera prédominant.»
Et Vaud dans tout ça ?
À la question de savoir si une entreprise peut se passer de la digitalisation, l’expert mandaté par le SPECO répond clairement par la négative. Or, selon une étude récente de la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie, 40% des PME ne sont pas familières avec le terme «Industrie 4.0».
La cartographie en cours de réalisation montre, en première analyse, que le canton est bien positionné. «Il bénéficie d’un bon écosystème technologique avec l’EPFL, la Heig-VD et les nombreuses start-ups qui sont en lien avec ces deux écoles. Nous avons l’expertise. Les grandes entreprises ont les moyens, mais elles ont un problème de rapidité. Quant aux petites entreprises, il faut les stimuler en les soutenant.»
Oser tester
Pour Raphaël Rollier, l’un des points clés réside dans le fait que l’enjeu est avant tout culturel et de gouvernance, car il faut pouvoir combiner l’expertise de plusieurs entreprises pour réussir la transition numérique. «Il faut revoir la manière de fonctionner, notamment en osant tester afin d’apprendre et avancer par petites étapes. Les entreprises doivent propager une culture digitale à tous les niveaux.»
Une des grandes questions à se poser, c’est comment utiliser et valoriser les nombreuses données dont on dispose. À Montreux, par exemple, les données agrégées et anonymisées transmises par les téléphones portables sont traduites en indicateurs de trafic dans le but d’aider à la décision sur des questions d’infrastructures routières ou piétonnières.